Le souffle court, le cœur battant la chamade, elle cherche à se dégager, à fuir. Elle ne peut pas s’en sortir. C’est terminé pour elle. Une seconde, elle pense l’apercevoir. Le toucher. Mais il s’échappe et elle le perds de vue. Il est trop loin pour qu’elle le rattrape… Elle baisse la tête et son regard tombe sur le paquet de vêtements informe qu’elle tient entre ses bras. Ce n’est pas un paquet. Ce ne sont même pas des vêtements. C’est le cadavre de son fils. Le sang coule de ses plaies. C’est de sa faute. Ils sont morts par sa faute. Elle lève la tête et son regard se pose sur Hel et Lofn. L’une préside les morts sans gloire, l’autre les amours perdues. Elles sont venues pour elle, elle le sait. Elle serre contre son cœur le cadavre de son fils. Les larmes coulent sur son visage. Elle a échoué…

Un hurlement strident la tire du sommeil. Son cœur bat si vite qu’il semble décider à quitter sa poitrine en arrachant ses côtes. Dalia se redresse sur sa couche. Il fait nuit noir, au moins quatre heures avant le lever du soleil si ce n’est plus. Le sommeil l’a déserté, une fois encore. Les cauchemars la hantent, ne lui laissant aucun repos. Ses hurlements ont dû être perçus par ses voisins mais elle n’en a cure. Les gens l’évitent déjà. Elle est considérée comme maudite. Reprenant son souffle, elle se lève, se dirigeant vers le broc d’eau et s’aspergeant le visage avec. Elle ferme les yeux un bref instant avant de les rouvrir. Ils sont morts. Elle ne peut le changer. Son époux et son fils. Son père également. On lui a retiré tous les hommes qui comptaient dans sa vie. Elle en a conçu de la colère pendant une période. Elle a conservé cette rage au fond d’elle qui ne lui sert à présent que dans les batailles. Frissonnant, elle retire la chemise de lin qu’elle porte et endosse son armure.

L’entraînement. Il n’y a que cela qui lui fasse du bien. Elle ne pense plus à rien lorsqu’elle prend une épée. Elle est à ce qu’elle fait. Dans l’instant présent. Pas dans les souffrances du passé.

Sortant de sa demeure,  elle traverse les rues désertes d’Ofeigatt. Tout le monde dort à cette heure tardive. Seule la taverne est encore active mais ne va pas tarder non plus à clore ses portes. Dalia tourne résolument le dos au bâtiment et se dirige vers la sortie de la ville. Elle marche d’un bon pas, ses bottines fourrées claquant sur le sol. Le froid est mordant mais elle est chaudement couverte. Elle hâte le pas. Son cerveau est en ébullition. Elle doit défouler sa rage. Sinon elle deviendra folle de douleur…

Elle arrive à l’orée des bois et l’apaisement est presque immédiat. Elle sourit, observant la beauté des lieux, les arbres sombres qui semblent vouloir l’engloutir. Elle avance, slalomant entre les troncs. Elle marche ainsi pendant une longue demi-heure avant d’arrivée à la clairière où elle s’entraîne d’ordinaire. Le lieu est paisible. Idéal pour y décharger sa fougue. Elle sort son épée de son fourreau et se lance dans une danse précise et mortelle. Une danse sensuelle et guerrière contre des ennemis qui ne sont présents que dans sa tête. Travaillant ses attaques, ses parades et ses feintes. Elle doit être la meilleure. Elle l’a toujours été au sein de la sororité. C’est tout ce qui lui reste à présent. Le temps passe, depuis combien de temps est-elle là ? Une heure ? Deux ? Elle l’ignore. Elle ne retrouvera pas le sommeil de toute façon, autant continuer à s’entraîner. Elle frappe derrière elle dans le vide et son épée rencontre le métal. Surprise, elle contemple l’homme en face d’elle. Ulvar.

Cet homme l’intrigue. Ils se sont déjà entraînés ensemble trois ou quatre fois ici même. En pleine nuit car lui aussi a du mal à dormir. Son loup n’a pas spécialement l’air commode mais Dalia admire la beauté de l’animal. Elle reste toujours immobile, le bras levé, son arme bloquée par celle d’Ulvar. Elle plonge son regard dans celui du guerrier. Un fin sourire se dessine finalement sur les lèvres de la combattante.

Bonsoir. Tu peux te vanter de m’avoir surprise. Ils sont peu nombreux qui peuvent s’en enorgueillir.

Elle n’abaisse pas sa garde pour le moment.

Tu  n’arrives pas à dormir non plus ?

Son regard détaille l’homme. Un guerrier puissant et respecté, membre de la fraternité. Tout comme son défunt époux. Et un homme qui ne la laisse pas indifférente, elle doit bien l’admettre. Une sensation d’attirance qu’elle  n’avait plus ressentie depuis trois longues années et qu’elle pensait d’ailleurs ne plus jamais éprouver. Elle finit par abaisser la garde.

Viens-tu t’entraîner ? Ou discuter ?

Ils ont déjà parlé ensemble la dernière fois qu’ils se sont vus. Ils commencent doucement à faire connaissance. Dalia n’a pas encore osé lui demander ce qui s’est passé il y a trois ans. Peut-être osera-t-elle ce soir ?