le temps d'une pluie
ástveig & ulvar

Sans vraiment t'en rendre compte, tu resserres ton épais manteau autour de tes épaules, dans une vaine tentative d'écarter le froid qui s'est immiscé sous tes habits. Tu sais que la neige ne tardera pas à tomber, quelques jours de répit tout au plus, annonçant la saison froide. De toute façon ton tour est bientôt terminé, tu pourras rentrer au siège de la confrérie, manger un plat chaud devant un feu crépitant. Discuter avec tes frères. Ou juste rester en silence, le regard perdu dans les flammes, avant de te glisser sous les épaisses couvertures jusqu'au petit matin. La nuit est déjà bien avancée. Et étrangement, la lune brille fort dans cette sorte d'éclaircie. Car tout autour s’amoncellent déjà de sombres nuages, ne laissant rien présager de bon. C'est comme si l'air lui-même sentait déjà la pluie. Quelques torches illuminent la muraille entourant la ville, mais toi, tu préfères ne pas trop t'en approcher. La lumière de la flamme aveuglent bien souvent les gardes, laissant à d'éventuels assaillants tout le loisir d'approcher. Tu préfères rester dans l'ombre, l'obscurité, tes yeux scrutant les environs avec attention. C'est là que tu remarques une frêle silhouette qui s'échappe dans la nuit. Une femme. Ta curiosité est forte, mais tu préfères attendre. T'es inquiet, car des rapports ont signalé quelques brigands dans la région, se rapprochant d'Ofeigatt au fur et à mesure que le froid les pousse vers la ville. Tu notes la direction prise. Avec la terre humide, la faute à la pluie qui s'est abattue sur la région plus tôt dans la journée, tu n'auras aucun mal à suivre ses traces.

Un peu plus tard ...

C'est étrange. Car si la jeune femme semble chercher et cueillir quelque herbe ou fleur au clair de lune, Blodar n'est pas tranquille. Plus d'une fois tu l'as entendu grogner à tes côtés. Et quand ta main gantée s'est posée sur son encolure puissante, tu as pu sentir ses muscles tendus, ses poils hérissés. Une menace quelconque, pas loin. Car à plus d'une heure de marche d'Ofeigatt, tu as pisté discrètement la jeune femme, par curiosité mais aussi par inquiétude, il ne serait pas étonnant de tomber sur un brigand. Tu décides donc de te rapprocher un peu plus, faisant attention à chacun de tes pas, lorsque tout à coup, un cri de peur ne déchire le silence de la nuit. Ton coeur bondit dans ta poitrine. Le moment de passer à l'action.

le temps d'une pluie
ástveig & ulvar

Nasya, les étoiles. Essaie de suivre les étoiles. … Mais quelle étoile ? Laquelle ? La pauvre Ástveig regardait autour d’elle, tentant tant bien que mal de retrouver son chemin. Quelle idée, mais quelle idée d’être sortie chercher cette fichue fleur. Elle n’aurait pas dû, elle n’aurait jamais dû mettre les pieds dehors. Elle allait finir par mourir, pour une fleur. Mourir, oui. Quelle mort ridicule. Car elle avait froid, elle commençait à s’épuiser, et impossible de retrouver son chemin. Et puis, qu’allait-elle dire ses maîtres, si elle ne rentrait pas à temps ? Elle ne rentrerait pas à temps. Encore faudrait-il qu’elle parvienne à rentrer un jour. Et quelle serait son excuse ? Partie à la recherche d’une fleur, qui ne pousse qu’à cette période de l’année, dont l’espérance de vie était très courte, et qu’il fallait vite cueillir avant qu’elle ne fane pour espérer en extraire de belles senteurs. Suicidaire ? Inconsciente, plutôt. Probablement qu’Anastasia.. Qu’Ástveig ne changerait jamais. Inconsciente. Peu de choses lui faisaient perdre la tête, mais parmi ce peu de choses, se trouvaient les plantes et tout particulièrement les fleurs.
Elle ne lâchait d’ailleurs pas ses trouvailles, tenant fermement le petit sac en toile les contenant comme s'il était le plus merveilleux des trésors. Emmitouflée dans son lourd manteau, Ástveig continuait à avancer, sans savoir où ses pas allaient la mener. Son père lui avait jadis appris à s’orienter à l’aide des étoiles mais… Mais encore faudrait-il parvenir à les percevoir, masquées par d’épais nuages. La belle pouvait sentir le vent souffler… Il ne manquerait plus que la pluie, et son sort serait scellé.

Ou peut-être que la pluie, le vent, et même le plus violent des orages serait finalement plus souhaitable que ce qui se préparait. Qu’est-ce que… Un mauvais pressentiment. Ástveig pressa le pas, se sentant soudainement observée. Observée… Suivie. Quelqu’un la suivait. Elle déglutit, jetant un dernier regard autour d’elle… Puis se mit à courir. A courir bien trop tard. Car l’homme parvint à l’attraper avant qu’elle ne parvienne à s’échapper. « Lâchez-moi ! » Tant bien que mal, elle essayait de se débattre, mais sans grand résultat. Le peu de force qu’elle avait ne suffisait définitivement pas. Sa seule tentative, en guise de défense, fut de lui mordre la main, lorsqu’il tenta de la faire taire, appelant à l’aide. Mais qui pourrait bien l’aider, au milieu de la forêt, et par un temps pareil ?

Tu ressens l'excitation dans chacun de tes membres, un sentiment étrange qui s’empare de toi au moment où il faut agir. Que ce soit avant un combat ou pendant la traque, tu te faufiles silencieusement entre les arbres, tes yeux plissés scrutant entre les troncs centenaires. Tu ne sais pas où se trouve Blodar, sauf qu'il n'est pas loin, sentant le danger tout comme toi. Tu te rapproches, et lorsque la jeune femme accélère, courant dans la forêt, une ombre se glisse derrière elle, l'attrapant, l'entourant de ses bras. Déjà ton épée quitte son fourreau avec ce crissement caractéristique, douce mélodie à tes oreilles. « Lâchez-moi ! » Un grognement de douleur, mais l'homme garde son emprise sur sa proie. Tu pourrais parfaitement embrocher l'inconnu, après tout il est en train d'agresser une habitante d'Ofeigatt, mais le risque de blesser sa victime reste trop élevé. Alors en t'approchant, tu poses la pointe de son épée sur la nuque. Et tu appuies, lentement. L'homme s'immobilise, une vague de douleur le paralysant. La peur aussi. « Laisse cette femme tranquille, ou je t'embroche comme un porc. » Ta voix est menaçante, exprimant parfaite le fait que tu es capable de le tuer, tout de suite, sans remords. La main ferme, tu attends sa réponse. « Pas sans vos valeurs, t'es pas à Ofeigatt ici. » Tu serres la mâchoire. Il n'a pas de couteau, du moins pas dans ses mains, toujours solidement jointes autour de la jeune femme. Il l'aura bien voulu, penses-tu en prenant ta décision. Ton geste est précis, net, puissant. Ta lame en acier, signe de ton statut de guerrier de la Svart Brotherhood, s'enfonce avec aisance dans sa chair. Il crie, hurle de douleur. Mais déjà la pointe de ton épée se glisse entre ses vertèbres, et tu sens son corps se ramollir, tomber, tandis qu'un flot de sang s'écoule le long de son dos, trempant ses habits poisseux. Tu nettoies ta lame sur sa veste, avant de jeter un regard inquiet à la jeune femme. « Drôle d'heure pour cueillir des fleurs si loin d'Ofeigatt. Tu vas bien ? » Tu esquisses un sourire franc, parce qu'au final la situation se termine bien. Enfin pour vous deux. Car le corps encore fumant ne rejoindra jamais le Valhalla, voué à être dévoré par les charognards peuplant la forêt.

Peut-être était-ce Ástveig le problème ? Peut-être était-ce son apparence ? Trop frêle ? Pourquoi fallait-il qu’elle soit toujours la victime de quelqu’un ou de quelque chose ? Ou alors… Peut-être était-ce son inconscience ? Très probablement. Son inconscience. Bien qu’elle avançait en âge, il y avait certaines choses qui ne changeaient pas. Comme l’idée qu’elle se faisait du danger. Après tant de mésaventures, on pourrait croire qu’elle retiendrait la leçon et deviendrait plus prudente… Mais non. Non. Résultat ? D’abord perdue dans une forêt, désormais attaquée par un brigand. Elle essayait de se défendre, mais sans grand succès. Elle avait beau se débattre, tenter de mordre, tenter de griffer… Rien n’y faisait. Son seul espoir ? Qu’on lui vienne en aide. Mais qui donc serait, à une heure pareille, avec un temps pareil, à traîner dans la forêt ? Un fou. Comme elle. Ou un garde. Un garde, par chance. Enormément de chance. Elle s’imaginait déjà le pire lorsqu’elle entendit une voix, sa voix. Une voix inconnue… Mais probablement qu’elle n’avait jamais été aussi heureuse d’entendre quelqu’un, de sa vie. L’inconnu menaçait le brigand, qui ne voulait toujours pas la lâcher. Ástveig essayait de trouver une faille, un moyen, dans l’espoir de s’échapper… Mais rien. L’homme ne voulait définitivement pas la lâcher. Et les menaces n’y faisaient rien. Du moins, au départ. Parce que soudainement, son étreinte se fit moins forte. Plus faible. Plus lâche. Un crie strident. De douleur. Ástveig ferme les yeux, se pince les lèvres, avant de s’empresser de s’éloigner du corps qui ne tarde pas à tomber au sol. Corps qui n’était plus qu’un amas de chair et de sang, une dépouille fumante. De sang. La belle peine à détourner son regard de la scène, et surtout du liquide rouge qu’elle a en horreur. Du sang. Surtout pas du sang. Elle finit par fermer les yeux, inspirant un grand coup, avant de reporter son regard sur le jeune inconnu. Son héros du soir. « Moi ? Si ça va ? Ca… Ca va. Je crois. Ca va. Il faut que je m’éloigne de ça ou… » Ou elle allait défaillir. Et ce ne serait pas la première fois. Combien de fois elle avait perdu conscience lors de rituels vikings, simplement parce que le sang coulait à flots et que ce n’était pas sa vision préférée. Elle déglutit, tentant tant bien que mal de retrouver ses esprits. Elle s’en était sortie, elle était en vie, et… Elle n’avait pas perdu conscience. Que du positif. « Merci… Merci beaucoup. Je ne t’ai pas même remercié. » Elle commençait à se calmer. Elle finit même par esquisser un sourire, avant de s’approcher du jeune homme, ouvrant son sac en tissu pour lui montrer ce qu'il contenait. « Ce sont des fleurs qui ne poussent qu’à cette période de l’année. Et qui ne s’ouvrent que les soirs de pleine lune, comme aujourd’hui. Enfin, on ne voit pas vraiment la lune mais… » Et ça valait bien de prendre quelques risques. « Et toi, qu’est-ce que tu fais dehors à cette heure-ci ? Et ici ? … Tu sais où est-ce qu’on est ? Je me suis un peu perdue… »

( désolé pour ma lenteur   )

La jeune femme ne semble pas dans son assiette. Son regard ne s'attarde que quelques secondes sur le cadavre, avant que ses paupières ne se ferment, accompagnées d'une profonde inspiration. Le moment de peur passé, l'inconnue doit être perturbée par ce qu'elle vient de vivre. Mais ce n'est rien en comparaison à ce qui l'attendait si tu n'avais pas suivi sa trace depuis Ofeigatt. Sa voix est incertaine, et tu peux comprendre que la vue de se sang peut la perturber. Quoique pour les Vikings, c'est presque normal. Reprenant son souffle et ses esprits, la jeune femme s'approche de toi, te remerciant pour ton intervention salvatrice. Tu te contentes de hausser les épaules, simplement heureux d'avoir pu l'aider. Et il faut bien l'avouer, que n'as pas eu à transpirer beaucoup pour venir à bout de ce brigand. « Ce sont des fleurs qui ne poussent qu’à cette période de l’année. Et qui ne s’ouvrent que les soirs de pleine lune, comme aujourd’hui. Enfin, on ne voit pas vraiment la lune mais ... » Tu souris. Tu ne sais même pas à quoi tu t'attendais en la voyant quitter l'enceinte de la ville pour s'aventurer dans la nuit, toute sorte d'histoires te passant en tête. Mais sûrement pas pour cueillir des fleurs de pleine lune. C'est si ... innocent. D'autant plus qu'elle ne semble même plus savoir où elle se trouve, te questionnant au passage sur ta présence. Tu t'accroupis pour essuyer la pointe de ton épée sur le caleçon du cadavre, ne prenant même pas soin de fouiller ses poches. Ne pas choquer la demoiselle. « J'étais de garde quand je t'ai vu t'esquiver discrètement et j'ai trouvé ça étrange. Alors je t'ai suivi. Je suis Ulvar, de la Svart. » Te redressant, tu sembles sentir le poids du ciel au dessus de vos têtes. L’atmosphère chargée, les nuages lourds. « La prochaine pleine lune, n'hésite pas à demander à ce que quelqu'un t'accompagne. Les bois ne sont pas sûrs si loin d'Ofeigatt. » Et comme pour mettre tes paroles à l'épreuve, comme un avertissement de Thor, un éclair déchire la nuit, éclairant les bois l'espace d'un instant. Avant que le bruit assourdissant ne déchire la nuit. « Nous sommes à plus d'une heure de marche des murs, et la pluie ne tardera pas. Le plus sûr est de trouver un abri le temps que ça se calme, et de rejoindre Ofeigatt plus tard. Ne t'inquiète pas, tu ne risques rien avec moi. » Tu plantes ton regard dans le sien, espérant que tes mots, sortis de ta bouche en toute franchise, lui fassent comprendre qu'à tes côtés rien de mal ne lui arrivera. Tu sais que ton loup rôde dans les environs, et qu'il ne fera son apparition que plus tard. Mais dans l'immédiat, il vous faut trouver un abri. Où à défaut d'une grotte, la région est relativement plate, en construire un à l'aide de branches et de feuillages. Et ça, tu sais le faire. A la perfection.