QUELLE EST TA POSITION PAR RAPPORT À TON JARL ET TON ROI ? ≈ Chargés d'hydromel, les verres ne se lèvent plus. Les coudes traînent sur la table. Les  "skål !" se font plus discrets, les mâchoires trop occupées à ruminer en silence. Le royaume meurt à petit feu. Alors le Konungr hurle, s'emporte, arrose de vin et bière. Que veulent ils donc ? De l'argent ? Qu'il pleuve ! Les coffres fondent comme des géants de glace sous l'épée de Surt. Il se rêvait seigneur de guerre, le voilà berger d'un troupeau de bêtes aussi grasses qu'ingrates. Le vice ronge le royaume, la gangrène en noircit ses extrémités. La trahison de l'héritier a des allures de bénédiction ; un coup de lame dans la chair corrompue.


EN QUOI FAIS-TU HONNEUR AUX DIEUX EN ÉTANT VIKING ? AS-TU EU À FAIRE DES SACRIFICES EN LEUR NOM ? ≈ Markvart n'a ni l'envie, ni le temps de se soucier des dieux. Il ne leur accorde aucune forme d'importance. Sa gloire sera terrestre ou ne sera pas. Pourtant, en suzerain préoccupé par les croyances de son peuple, il ne déroge ni aux prières ni aux sacrifices. Secrètement, il méprise ce mysticisme ambiant. Sa spiritualité réside dans l'humus au creux de sa paume, dans l'alcool absorbé, dans le sang qui jaillit. Il est fidèle à l'instant présent et non aux arrières-mondes. Il ne l'admet pas - peut-être ne s'en aperçoit-il même pas - mais force est de constater que les spectres de la folie envahissent sa psyché. L'esprit déraille dans l'interprétation, les dieux négligés susurrent à son oreille.

QUEL DESTIN PENSES-TU QUE LES DIEUX ONT CHOISI POUR TOI ? QUELLE EST TA PLUS GRANDE CRAINTE QUANT À TON AVENIR ? ≈ Poison. Mort de paille. Dague dans le creux des reins. Rien de très glorieux. Et pourtant. Les cors de guerre se réveillent. L'espoir renaît. La confiance étire son sourire. Dans le tumulte et le fracas, il se couronnera une nouvelle fois. Ou mourra, traîné dans la boue. La mort du Roi, par le sang du Roi augura une Völga. Une prophétie risible, qu'il ignora jusqu'à ce que son propre sang prenne la forme de nourrissons. Des enfants qu'il craint et évite, même. Toutefois, depuis la rébellion de son fils, le souffle de la hache suspendue au-dessus de son crâne s'adoucit. Il sait enfin où regarder.

I. La mort du Roi, par le sang du Roi. Prophétie chuchotée dans un râle vaporeux plusieurs semaines avant la naissance du prince Detelf. Babil absurde, fourberie insolente d'une völva sénescente. Déni absolu de la part de Markvart. Et pourtant, semées dans les entrailles du fantasme, les graines germent, propagent leurs racines terroristes jusque dans les tréfonds de sa cervelle.

II. Rapaces discrètes, elles louvoient autour de sa literie, rôdent autour du cadavre de son mariage. Contrat implicite, le silence s'achète là où les causeries tuent. On ne retrouve jamais les bavardes.

III. Le monarque serpente, soûl, encerclé par les chimères de son esprit. Elles grognent et jappent quand il les arrose d'alcool. Il est digne devant sa cour et perd toute consistance dans les coulisses. Hantée, sa main droite tremblotte quand il cesse de boire pendant plusieurs jours.

IV. Au-dessus de la Norvège, une comète se désagrège. Sculpté pour être roi, le marbre s'est affaissé. Ne reste plus qu'un bloc brut fissuré. Une montagne tourmentée par les dieux. L'esprit envolé, seul son corps subsiste, invincible, tendu comme la corde d'une lyre. Répétés mille fois, les mouvements sont devenus des réflexes, il délivre la mort du bout de ses doigts, par l'acier de son marteau de guerre.

V. Père exécrable, il se révèle un souverain attentionné. Il assiste aux audiences avec application, toujours concerné. Il écoute, tient compte des conseils, résout les problèmes de son peuple. Mais les heures passent, les verres se vident. Alors il perd patience, s'empare de son arc et disparait dans la forêt, suivi par quatre ou cinq hommes, tout au plus.  

VI. Tacticien génial, tout son intellect semble avoir été façonné pour l'exercice militaire. Sur le champ de bataille, loin des intrigues de cour, la confiance de ses hommes est sans faille. Il brusque l'ennemi, le prend de court, frappe, recule, attaque à nouveau. Étourdi, l'opposant perd pied, offre une brèche dans laquelle Markvart s'engouffre. Éloigné du trône, c'est un homme nouveau. Digne d'être roi.

VII. Il tue son premier homme - si l'on peut dire -  à l'âge de treize ans. Un accident stupide, durant un entraînement. Duel au bouclier et à l'épée en bois, tout ce qu'il y a de plus classique, contre un dénommé Harding, fils maigrichon d'un riche commerçant. Un esprit vif, mais l'avant bras fragile. Un simple coup à la tempe le tua sur le coup.

VIII. Reine excommuniée, pestiférée, sublime créature haïe pour avoir pondu le parricide en devenir. Pourtant, il ne cesse de la dévorer des yeux, incapable toutefois de supporter son regard céruléen. Il fuit sa couche, fait mine d'ignorer sa présence. En réalité, il considère avec gravité la moindre de ses moues.

IX. Nordhal Lund. Soleil de glace. Père austère, impassible. Grand chêne au cœur d'une forêt d'arbustes. Terrassé par la fièvre en une quinzaine de jours, il s'éteignit durant l'absence de son fils, envoyé dans un village au nord de Stogen pour y écraser un semblant d'aspiration rebelle. A peine eut-il lâché son dernier souffle que son cupide de frère complotait déjà pour prendre le pouvoir. Prévenu par sa mère, Markvart fit assassiner son oncle la veille de son retour dans la capitale et fut intronisé dans la foulée, à l'âge de vingt-cinq ans. Trop tôt.

X. Terrible fardeau que le poids d'une couronne, dans la fleur de l'âge. Cruelle époque sans guerre à mener sur le territoire, point de prétexte pour s'auréoler de gloire. Enchaîné au trône alors qu'il préparait une grande expédition pour les côtes espagnoles, il ne digéra jamais l'aventure que les Dieux lui arrachèrent.

XI. Aventurier frustré, il comble ce vide par un intérêt profond pour les cultures étrangères. Le Konungr collectionne toutes sortes de fétiches provenant de pays qu'il n'aura jamais la chance de visiter : bracelets, amulettes, statuettes, etc.

XII. Il connaît et apprécie une flopée de contes et de poèmes qu'il récite par coeur. Ses camarades de la Svart Brotherhood en profitèrent pleinement, gamins fascinés par les héros qu'ils étaient. A chaque nouvelle lune, il leur narrait une historie ; il prolongea ce rituel avec ses enfants, manifestant là l'une des rares preuves de son amour.

XIII. L'ombre de feu son père l'engloutit. Idéal ascétique inatteignable, Markvart ne fit jamais vraiment son deuil. A l'inverse du blizzard tutélaire, le brasier maternel. Un volcan. Ambitieuse, acariâtre, elle a forgé son fils à l'image de son caractère. Ce n'est plus qu'une vieille dame flânant dans les couloirs du palais ; certains la confondent avec un draugr. Son esprit, pourtant, n'a pas perdu de sa superbe.  

XIV. Les dieux ? Vaste fumisterie. Fascinants, mais à ne pas prendre au sérieux. Diablement utiles, cependant, lorsqu'il faut envoyer des hommes se faire empaler sur la première ligne adverse. Le Valhalla vous attend ! Ou la boue et les vers. Paradoxalement, Markvart est de nature très superstitieuse et repoussera sans problème une attaque si l'allure du ciel ne lui plaît pas.

XV. Inconsciemment, il a peur. Sorte d'insécurité chronique, l'anxiété pèse sur lui. Comme une proie acculée par son prédateur, il attaque. Défiance parfois démesurée pour qui lui apparaît comme menaçant. Dans sa jeunesse, cela se traduisait par une posture d'éternel petit rebelle face à l'autorité. Aujourd'hui, il voit le danger partout, et donc nulle part.