La brume matinale flotte entre la cime des arbres et rampe à terre en volutes de fines gouttelettes glaciales. Les odeurs éveillent les sens du viking qui se tient à genoux derrière un bosquet de genévriers, à guetter la présence animale qui se meut avec une langueur mirifique. La bête l’a sentie et pourtant, elle reste là à le toiser de ses orbes mordorées, marquant des arcs de cercle de sa démarche pesante. Le souffle suspendu et la paluche repliée sur sa saxe, le Jarl observe tel un rapace attentif – essayant d’immortaliser le moment où le loup se fait si proche de l’homme. Le tolère à ses côtés. L’Ødegard croit aux signes même si l’espoir de faire renaître sa terre de ses cendres est sans cesse saboulé par de terribles évènements qui marquent ses années de règne dans l’errance et la perdition. Skogkatt est menacée et Folker veut dénicher les traîtres. L’insécurité n’a que trop duré, des années durant et son paternel n’a su l’endiguer avant lui. Est-ce son destin que de finir froid et raide sur le lit nuptial, son globe ouvert sur l’évidence éthérée qui chagrine son esprit las ? Lui aussi se sera montré indigne de la tâche qui lui a été confiée. Lui aussi aura failli devant les dieux.
Les doigts s’arrachent à l’écorce de l’arbre prenant racine à son flanc pour venir frotter les lippes closes et la barbe de quelques jours qui lui couvre les joues. Le loup gronde, tourne sur lui-même puis lui jette un regard indéchiffrable – entre crainte et agacement. Il reste immobile un instant avant de se mettre à trottiner pour plonger dans les sous-bois. Folker se redresse lentement et lutte contre l’étrange sentiment qui lui noue les entrailles. Incapable de résister à l’appel de la bête insoumise, la carrure masculine du guerrier se détache de la sylve pour suivre les traces du loup à travers les méandres forestiers. Folker a quitté Skogkatt à l’aube, insistant pour ne pas qu’on le suive dans ses pérégrinations autant géographiques que mentales. Il y a des jours où il a besoin de ça pour se recentrer sur sa quête. Revenir entier.
L’homme tente de se faire silencieux mais c’est inespéré face à la bête craintive à l’ouie développée. Le loup jette quelques coups d’œil dans sa direction mais ne presse pas pour autant son allure. Il se sait talonner mais il ne fuit pas. Folker enjambe la rocaille, piétine la glaise et écarte la végétation luxuriante. Le périple se fait de plus en plus chaotique dans un but qui lui est à lui-même inconnu. Le lupus est seul. Il s’est détaché de sa meute, comme lui de son clan à cet instant. Un froissement d’ailes à quelques mètres l’extirpe de ses pensées nébuleuses. Une clairière s’ouvre à lui et l’homme y découvre une carcasse léchée par les intempéries, offerte aux quelques corbeaux qui s’envolent dans un sinistre croassement. Que la faune farouche détale à la vue de l’Homme inquisiteur qui abat les frontières sans vergogne – se repaît du spectacle que la terre mère a à lui offrir. Il ne reste pas grand-chose de la carcasse du renne étendu sur le sol, si ce n’est les bois majestueux tenant lieu de coiffe sur le crâne esseulé. Folker observe les alentours mais il n’y a nulle trace de la toison du loup gris. Eclipse de ses prières mutiques. Agonie de l’espérance.
Le Jarl avise la cabane de la Völva se détachant à l’orée de la forêt. Elle est le lien infrangible entre Midgard et Asgard, prêtresse aux connaissances sans limite et au savoir inavouable. Folker lui doit le respect malgré tous les griefs qu’il nourrit à son égard. Aux yeux du vieux loup, Asunn est pétrie de faiblesses qui gangrènent l’âme des mortels. Elle aussi, est en proie à l’empathie qui peut suggérer quelques forfaits d’imposture pour influencer le destin. Le Jarl est persuadé que la brune aux yeux de glace a menti en disant parler pour les dieux lors du mariage suggéré d’Ivar et de Jara. La mère de cette dernière a aidé Brand Ødegard à mettre fin à ses jours et en ça, Folker n’hésite pas à gratter les parois de la suspicion lorsqu’il s’agit de s’en remettre aux mains de la prophétesse. Le viking s’avance vers la masure et ne daigne pas même frapper du poing. Il pousse l’huis de son avant bras avant de déposer le crâne colossal surmonté de ses bois ivoiriens sur la table faisant face à la Völva. « A quelles augures dois-je ceci ? » L’interroge-t-il en la détaillant d’un œil inquisiteur.
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behind the shield.
there's a warrior.
Sujet: Re: Sombres oraisons - Sam 13 Mai - 0:42
Sombres oraisons
Folker & Ásunn
Le soleil venait de se lever, le froid régnait sur les terres norvégiennes mais ce jour là, la chaleur de la cheminée venait se frotter sur ma peau. Comme à mon habitude, je restais là observant les flammes, laissant les crépitements du feu jouer leur mélodie. Je profitais du feu de cheminée pour me détendre un moment. Je sortais que très rarement de chez moi, mais je connaissais par coeur Skogkatt et ses environs. La forêt était comme une seconde maison et Skogkatt restait le village dans lequel je suis née et où je mourrai pour aller rejoindre le royaume de Hel. Vivre, voilà notre seul objectif. Ou pour certains, c'était de mourir au combat, pour honorer les Dieux et aller rejoindre Odin. Seulement parfois la vie est semée d'obstacles, la tâchant de noir. Pourtant nous vivions tranquillement dans notre village, malgré tout toujours noirci. Il n'avait guère de charme, mais je m'y été attachée. Pour ma part, j'avais fièrement servi les Dieux depuis toutes ces longues années. Mon foyer se trouvait non loin du village, mais assez pour être entouré de ces arbres bucoliques et envahissants mais tellement protecteurs. Que Sif soit remerciée. Je connaissais un à un, chaque homme et femme, voire chaque enfant, du village du chat des forêts.
En tant que Völva, mes oreilles étaient témoins de nombreuses choses. Malgré la malformation de l'une d'entre elles, je le vivais au contraire comme un signe des Dieux, une faveur qu'ils m'accordaient. L'atmosphère semblait être dénouée de convivialité, pourtant j'accueillais de nombreux villageois, pour certains étant des habitués. L'un d'entre eux était à l'évidence le Jarl Folker, moins habitué que ses fils, remarquais-je. Ce jour-là, en plus de venir apporter son caractère presque antipathique et imperturbable, il déposa un crâne imposant d'un malheureux renne, après être entré brusquement dirais-je, sous mon toit. Je ne fus point surprise venant de sa part. Le Jarl pouvait penser quoique ce soit à mon propos, je répondais toujours que les Dieux m'avaient parlé, et que rien ne peut ébranler la volonté des Dieux, ni même apparemment la défiance du Jarl de Skogkatt à mon égard. Bien entendu, je ne doutais point de sa loyauté, de sa confiance et de sa foi envers les Dieux. Comme chacun d'entre nous elle était inaltérable. Mais je ne pouvais rien faire contre cela. Certes, j'avais ma part de responsabilité dans quelques affaires des Ødegard, mais je n'avais guère le choix. C'était mon devoir, même si mes paroles étaient en contradiction avec la volonté du Jarl qui avait toute autorité sur le village. Peut-être pouvions-nous nous sentir quelque peu impuissants, ce n'était pas réellement le cas. Nombreux sont venus me voir pour forcer leur destin, être capable d'être puissant au point de questionner les Dieux pour tenter d'avoir leurs faveurs.
Mais nous étions en réalité, tous sous l'égide des Dieux, et nous leur devions obéissance. Ils influaient chaque moment de notre humble vie. Notre destin était tissé par les Nornes, nos vies dépendaient des Dieux, et je ne faisais que transmettre leurs pensées. "Salutations Jarl Folker. Tu oses enfin franchir le pas de ma porte." commençais-je par lui dire, le sourire au coin. J'observais ensuite le crâne. Folker avait en effet, l'air réticent à venir me voir, je le voyais de moins en moins, dirais-je. Mais malgré tout, il se trouvait devant moi, ayant une requête des plus mystérieuses. Que signifiait le crâne d'un renne. "Où as-tu trouvé ça ?" repris-je, l'air interrogative. Le crâne était l'image de la mort. Le renne, animal robuste des bois. Nous sacrifions souvent des animaux pour les Dieux. J'écoutais les Dieux pendant un moment. Dû à son statut au village, les augures devaient être prises très au sérieux, et semblaient être très importants. Je pouvais me montrer compréhensive face au Jarl qui se montrait ces derniers temps paternel quand il s'agissait des affaires de sa famille. J'avais moi-même une famille, ce que je n'avais jamais vraiment imaginé par ailleurs. Mais au fond de moi, j'étais bien heureuse d'être entourée d'eux.
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hj : excuse moi pour le retard
Sombres oraisons
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