QUELLE EST TA POSITION PAR RAPPORT À TON CHEF DE KYN ET AU JARL ? ≈ Si vous posez d'abord la question au lögsögumad, la réponse est évidemment celle d'un grand respect et d'un travail conjoint pour œuvrer au bien d'Ofeigatt. Cela amène parfois à devoir ramer à contre-courant de leurs pulsions de pouvoirs ou désirs de vengeance qui ne font pas honneur à Forseti, mais c'est aussi un honneur que d'être parole des lois qu'ils écoutent et quémandent, pour le salut de la population ou leurs projets de meilleure vie. Et si vous posez la question à l'homme, je ne suis évidemment que dévotion au jarl. Avec prudence malgré tout, car seul un fou suit avec son cœur et en fermant les yeux. Mais je le reconnais, c'est en réalité le seul problème que je peux avoir concernant le godi de mon kyn, les Lund étant une famille que j'ai en respect et adoration que je me trouve parfois bien difficile à argumenter et expliquer. Je crois que les années de mon rôle et ma vie parmi les nobles, ma propre famille étant respectée et influente à l'époque, m'ont forgé à cette amitié pour eux, et l'amusement tendre que je tais (sans le feindre pour autant) pour le godi. Mais n'allez pas croire que cela signifie que je cède aisément à leurs sourires, leurs comédies de tristesse ou rides des sourcils. Bien au contraire, cela ne rend que mes actions plus neutres, souhait et projet d'une aide bienveillante par les conséquences de ses décisions justes. Est-ce aisé de naviguer parmi les dirigeants en étant à la fois verbe de possibilités stratégiques et objet de ruine à leurs desseins ? Pas un instant, et je suis heureux d'en porter le fardeau. C'est à mes yeux la plus belle preuve que je sers mon jarl et mon kyn avec joie de tout mon être.

EN QUOI FAIS-TU HONNEUR AUX DIEUX EN ÉTANT VIKING ? AS-TU EU À FAIRE DES SACRIFICES EN LEUR NOM ? ≈ Forseti est sans nul doute la divinité qui doit être la plus éreintée à m'entendre clamer son nom de mille façon. Je vis pour son honneur, pour la justice qu'il représente, lui et Mímir. Et cela passe parfois par la défiance de leurs questionnement, la colère envers leurs décisions et la tristesse de leurs raisons. Je sais les écouter, les respecter, mais je suis apte aussi à voir leurs faiblesses et œuvrer en conséquence, ne pas fuir devant le challenge de leurs limites, véritable appel à nous façonner nous-mêmes pour un mieux, pour des leçons douloureuses ou joyeuses qui passent tant par la victoire que la défaite. Ma femme disait que je devais avoir aussi charmé Loki pour ça, parce que j'étais trop insupportablement neutre pour plaire aux Dieux à qui je me dédiais malgré tout, une véritable épine dans le pied. Je ne suis pas d'accord. Si je ne fais pas nombre de sacrifices de sang, pas aussi régulièrement que mes voisins du moins, j'offre beaucoup de nourriture pétrie de mes mains, de poisson acheté avec grande peine et regrets de mes narines. Je lève toujours mon verre aux symbels, connaît plus de poèmes et chants des sagas que certains scaldes et je porte le symbole même de ceux dont je côtoie moins souvent le nom. Eus-je sacrifié mon esclave préféré pour la santé de mes enfants (et je l'ai fait !) ça n'aurait jamais été une dévotion aussi marquante que celle de mon épouse. La mienne passe davantage par l'esprit que par les actes, c'est tout. L'honneur rendu reste le même, sincère.

QUELS MURMURES SE TISSENT SUR TON PASSAGE ? ≈ Je ne prête guère attention aux souffles des commérages, c'est une caresse trop brûlante pour celui qui y accorde de l'importance, et j'ai ma mémoire déjà suffisamment peinée sans leur aide. Mais j'ai bien conscience que l'on pense que je suis sans cœur, exil de mon enfant pour preuve d'être un rocher sans émoi, condamnation d'amis ayant pourtant commis des crimes mettant en péril notre société. Que la neutralité appelle au devoir du sacrifice de ses émotions, et que j'en aurais été capable sur l'autel des Dieux, par ambition de ma position. Pour cette même raison, on dit aussi que ma voix serait conséquence à ce pacte, qu'elle serait soit sacrée soit maudite, selon la personne qui vous confiera cette histoire et son opinion de moi. De leurs dires, je pourrais tordre les volontés par les mots, ou faire succomber les vies par une chanson. Un simple malentendu d'un jour néfaste... Tout cela m'est bien douloureux à entendre, mais je ne suis pas très surpris, l'ignorance, la jalousie ou la peur amène souvent à accuser ceux que l'on désigne comme sages être des êtres de mauvaise magie. On prétend même que c'est pour cette raison que l'on peut si souvent voir sortir de mes manches ou de mon manteau un chaton, une souris ou tout autre animal pour lequel je me serais pris d'affection avec innocence. Alors que je vous assure, si une technique pour transformer des bijoux ou de la terre en boule de poil vivante m'était connue, Ofeigatt serait déjà noyée sous des milliers de miaulements à cette heure-ci... Mais l'on murmure aussi que j'ai tant de passion et d'affection pour les courbes des femmes que les angles des hommes et cela, de vous à moi, étant une vérité, soyez seuls juges de croire ou non au reste.

QUEL DESTIN PENSES-TU QUE LES DIEUX ONT CHOISI POUR TOI ? QUELLE EST TA PLUS GRANDE CRAINTE QUANT À TON AVENIR ? ≈ Ma plus grande crainte ? La trahison de mon rôle. Devoir choisir le tranchant de la hache pour me faire entendre plutôt que celui des mots et des règles. Voilà le signe de l'échec de Forseti, et je ne veux pas en être témoin. Jamais. Je crains aussi le retour de mon fils, une possibilité que je ne souhaite pas interroger. Parce que je me trouve trop souvent à guetter l'apparition de sa silhouette se découper à l'entrée de ma demeure, et je serais bien triste de découvrir que c'est inutile ou déjà décidé, prêt à y rester loger chaque heure de chaque jour jusqu'à mort d'inquiétude ou d'impatience. De toute façon, l'avenir de ma relation avec mes enfants, les Nornes semblent s'en repaître d'amusement profond; Dagmar, ma dernière et seule survivante, pourrait trépasser que je n'en serais même pas surpris ! Mais je ne pense pas que ce soit l'avenir que me réservent les Dieux. La souffrance d'un père orphelin m'est déjà connu, l'apprentissage en serait nul. Non, je pense que mes mains ne sont plus destinées à creuser la tombe de ma progéniture mais davantage à se courber pour calmer les éclats de voix des injustices encore à venir, qu'il me reste un combat des lois à mener avant de m'en aller. Et un devoir de passation que j'évince depuis trop longtemps. C'est la vie que les Dieux ont choisi pour moi, des années au service de la justice, un esprit façonné en son unique nom. Ainsi qu'un certain don pour la préparation des meilleures galettes aux myrtilles de tout Meheim ! Pour le reste, je suis ignorant heureux. Je possède une fière et belle demeure qui peut être tant ravie par le prochain printemps que détruit au premier malheureux feu d'hiver. Une chèvre et un chaton qui sont les joies silencieuses de mes journées mais peuvent un matin s'égarer, une esclave dévouée que je soupçonne tant être apte à venir trancher ma gorge la nuit qu'à jeter son corps devant la première flèche menaçant d'abîmer ma chemise séchant au dehors. Un veuvage qui pourrait être pansé ou saigné à vif par un nouveau mariage, et sur cette question j'en ai des sourires naïfs et rêveurs, mais aussi des frissons de peur à cette défaite que je déclare déjà aux sentiments qui seront faits prisonniers par la malheureuse que les Dieux m'ont certainement déjà choisi, j'en suis persuadé. J'ignore aussi si les Dieux attendent de moi d'être l'homme à la barbe la plus fournie en bijoux mais j'en profite pour leur faire signe et leur signaler que le projet est en très bonne voie !

CE QUE TA NORNE POURRAIT TE RÉSERVER, OU LES DIEUX DÉCIDER ≈ L'éclat avec un enfant revenu, mon fils sans aucun doute. Après tout, c'est la divination qui a été confiée au creux de l'oreille d'un de ses amis, mais je n'en ai eu qu'un murmure flou, incertitude donc de mon côté. Ou cécité de paternel endeuillé, appelez ça comme vous voulez. On m'a aussi révélé récemment que la première fois où je chanterais à nouveau, sans abîmer quiconque, ce sera pour mes deux filles. Alors peut-être est-ce là une promesse d'un nouveau mariage et d'une naissance à venir, ce qui serait merveilleux ! Seule Frigg le sait, elle en décidera. Et il y'a de cela très longtemps, à mes années d’innocence et de siestes narguant mon grand-paternel cherchant à me raboter les oreilles, la völva avait déjà aperçu que je ne faillirait qu'une fois à Forseti. Ce jour n'étant pas encore arrivé, je m'attends donc à ce que cet écart soit peut-être celui qui me conduira ensuite au Valhalla. Il n'est pas bon de tromper son propre outil et principe de travail après une vie chargée de son respect. Et si ça ne me tuera pas, peut-être que la honte le fera. Car la seule certitude concernant ma mort et Skuld, c'est qu'elle ne me laissera jamais succomber dans les bras de Njörd ou sous le sadisme de Rán. Paisible survie accordée sur les navires, la glace des fjords gelés et les jours de pêche sur les berges. Une énième ironie et moquerie de la dite Norne, donc, moi qui ait en horreur les flots et les houles des mers...

einn. Gamin, Jóðvar présentait déjà une prédisposition à la justice, à la diplomatie qu'il entraînait innocemment en prenant la parole avec assurance et affection quand ses compagnons de jeu s’entre-déchiraient pour un jouet subtilisé ou une fausse bagarre plus violente que convenue. Pour autant, il aimait encore bafouer les règles ou les détourner à l'avantage du Petit Kyndred, groupe de garnements composés de sa fratrie, celle des Þorsgard, famille alliée à la sienne depuis des générations et quelques autres amis glané au détour des allées et des piètres embuscades dans les bois, tous préférant les légendes des Dieux et nouveaux jeux plutôt que retracer les batailles passées qui avaient secoué Ofeigatt et ses clans. De son enfance, il ne connut rien ayant meurtris son cœur, même si quelques temps confus de l'absence soudaine d'un frère cadet qui serait parti durant un vetr pour festoyer avec leurs ancêtres (au fond de lui, Jóðvar aime toujours à croire à cette histoire, que quelque part dans le monde vit un frère qui a quitté leurs terres pour prendre soin de vieilles personnes) et sa jeunesse fut bâtie sur les mêmes souhaits de droiture et utilité érudite à la société d'Ofeigatt. C'est ainsi que loin de l'appel des batailles il fit son chemin auprès des connaissances et en côtoyant la stratégie politique, candidat présenti depuis un moment pour être le prochain apprenti et assistant du diseur de loi qui se faisait beaucoup trop vieux et laxiste, bien que toujours assez vivace pour secouer la jeunesse naïve et les erreurs du Grímsteynn.

tveir. Aussitôt introduit comme nouveau lögsögumad de la cité, Jóðvar ne tarda pas à découvrir un autre aspect de sa profession, jusque là épargné par son prédécesseur qui en vivait seul le poids. Pour certains qui étaient déjà criminels reconnus et jugés, la frontière de leurs méfaits était déjà violemment piétinée et ils n'étaient pas volontaires à voir rédemption et paiement de leurs fautes, animés uniquement de défiance ou de vengeance. Les menaces n'effrayèrent cependant pas le jeune homme qui ennuyait déjà ses futurs adversaires par son calme et patience à faire justice, sa sécurité indirectement forcée par son obligation à ce moment-là de traîner dans les parages du jarl en place pour une affaire de légalisation de biens. À défaut donc de ne pouvoir lui trancher la gorge directement, ce sont celles de sa famille qui y passèrent. Grímsteynn toujours réunis, incapables de vivre autrement qu'ensemble au quotidien, dévouement familial qui permit un massacre rapide et concis ayant manqué de faire complètement disparaître ce nom de Meheim. Jóðvar y perdit ses deux frères, sa sœur aînée, leurs femmes et mari, deux enfants dont un qui célébrait la veille son début de vie d'adulte et le dernier aïeul survivant n'ayant pas laissé sa demi-cécité et ses os fragiles l'empêcher de fendre un crâne pour défendre sa tribu avant de lui-même flancher sous le fer. Dans la chaumière avaient aussi été présents quelques membres d'une famille voisine venus présenter des cadeaux au nouveau maðr, choisissant de défendre leurs amis plutôt que de fuir et trépassant ou rendu gravement blessés. L’événement secoua les consciences et l'exécution des quelques responsables retrouvés n'apaisa jamais la peine éprouvée par les survivants. Aussi, sa dernière sœur ne pouvant prendre cette responsabilité, Jóðvar décida d'adopter ses neveux et nièce rendus orphelins par le drame dont il se sentait aussi responsable. Par dévotion pour son meilleur ami (dont elle était aussi amoureuse et avec qui elle avait même connu une brève aventure d'une nuit quelques années auparavant et nourrisson morte-née comme fruit de cette folie mal gérée), Ellísif Þorsgard lui offrit alors la solution d'un mariage. D'une union de leur amitié pour assurer ce rôle de parents ensemble, alliance affirmée de leurs deux familles endeuillées, véritable message de victoire même dans les funérailles et de courage inébranlable à la face des derniers criminels en liberté. Affirmation au reste de leur entourage qu'ils n'allaient pas se laisser ronger par le tragique assassinat perpétré. Qu'ils acceptaient ce que les Dieux avaient prévus pour eux et accueillaient leur rôle très soudain de parents et époux avec un bonheur qui fut à la fois sincère et triste.

þrír. Il est probable que tous les paternels Grímsteynn aient un jour insulté trop copieusement Njörd et qu'en récompense aucune de leur descendance ne fut apte à contenir sa bile dans son estomac lorsque pied posé sur le plancher d'un navire en mouvement. Jóðvar n'échappe pas à la règle et si depuis quelques années il n'est plus malade au rythme des flots, il persiste dans sa bouderie envers les vagues, emmitouflé dans une épaisse étoffe qui étouffe ses marmonnements de colère pour le voyage obligé tout en se battant avec les cordages des voiles qu'il ne comprend pas. Parce qu'il est plus sage que sa fratrie, sa réticence aux étendues d'eau ne s'est pour autant jamais propagée à l'exagération gratuite de sa part, et il affectionne par exemple se rendre à la rivière si c'est pour y laver ses enfants ou son animal de compagnie du moment. Cependant, on ne le verra jamais arpenter les berges pour son simple plaisir, et s'il sy trouve, silencieux ou avec un attirail de pêche désuet et pas même fonctionnel, c'est qu'une chose plus sombre occupe son esprit et il est préférable de mettre de la distance avec ces potentiels troubles.

fjórir. Il tient à être très clair sur la question des expéditions et raids ; il a beau être lögsögumad neutre et au verbe diplomate, il n'en est pas moins viking et aspire à l'expansion de leur civilisation, encourage les démonstrations de force et honneur qui sont tout autant piliers de leur fonctionnement que preuve de foi et dévotion aux Dieux. Cela ne veut pas dire qu'il prend part aux dites aventures. Il ne l'a d'ailleurs fait qu'une fois au cours de sa jeunesse et qu'il en soit sorti vivant et sans avoir combattu relève simplement de hasards l'ayant conduits à ne connaître pour unique blessure qu'une cheville tordue en ayant voulu transporter le corps d'un ami sur une pente rocheuse. Bon nombre pensent donc qu'il ne sait pas se servir d'une arme, que c'est un érudit et qu'il ne se présentera jamais sur un champ de bataille. Et d'autres savent qu'il sait manier la hache pour davantage que ramener du bois aux jours froids. Il ne sera jamais guerrier pour autant, est d'ailleurs très rouillé dans ses pas de danse de combat, mais il a déjà entaillé des flancs et fendu des crânes lors d'embuscades alors qu'il ne faisait que voyager ou accompagner des amis à la chasse, défendant aussi un jour un des jeunes soldats l'accompagnant dans la visite à un citoyen n'ayant pas respecté sa condamnation judiciaire ou stoppant même un malheureux rendu fou de l'esprit qui détruisait un navire sur lequel devait embarquer sa femme, épée fendant cargaison et équipage sans distinguer qu'est ce qui était quoi. Mais l'aveu que ce jour là il visait l'épaule de l'homme et non son crâne, quand bien même ses amis le pensaient modeste et continuait d'applaudir sa visée, témoigne assez bien de son statut de novice dans la matière. Et sans doute pour défier son âge et s'assurer le droit de prendre peut-être un jour part a une expédition (qui ne passerait pas par les océans !) Jóðvar aimerait s'améliorer, s’entraîner à nouveau et cherche donc un professeur qui aurait la patience dans ses temps libre de supporter son caractère qui est tout sauf celui d'un guerrier.

fimm. L’obsession des bijoux ornant ses cheveux et nouant sa barbe est née quelques années après son mariage et l'adoption de ses neveux et nièce. Y accrochant d'abord des fleurs ou lacets en cuir colorés pour amuser ses plus jeunes puis pour faire plaisir à sa femme qui abusait parfois de l'affection qu'elle portait aux crins de son époux, Jóðvar a développé un véritable attachement à cette habitude, un respect pour le travail des orfèvres façonnant ces petits objets argentés et dorés puis une adoration pour la symbolique. Il s'est donc peu a peu laissé submergé par ce qui était un simple intérêt pour en faire une identité particulière de son style, ne faisant par pour autant démonstration de richesse opulente, accordant autant d'importance à une finesse ouvragée dans l'argent que les courbes maladroites d'un bois lisse.

sex. Ellísif était une passionnée des rencontres, elle aspirait chaque jour à croiser la route d'un nouveau marchand, son regard fasciné par les travaux des artisans et les riches commerces. Plus jeune, elle avait rêvé d'une vie d'aventures, en constate avec son époux qui lui était un érudit calme et malade en mer. Mais jamais l'un n'empêcha l'autre de vaquer à ses croyances et occupations, se soutenant même dans les projets et questionnements de chacun. Du témoignage de chaque personne ayant connu le couple, c'était ce qu'il en ressortait : des adultes maladroits avec le clan de mioches n'étant pas les leurs qu'ils se traînaient dans les pattes mais volontaires et heureux de faire ce travail ensemble. Ils savaient que l'amour n'était pas le ciment de leur mariage, comme il n'avait pas été la raison de leur union, bien que Jóðvar fut toujours convaincu que l'amitié est une forme d'amour tout aussi précieuse et puissante, preuve de leur famille en est. Mais pour tout cela, les gestes tendres entre les époux dépassaient rarement ceux des mains peignant les cheveux de l'autre, des danses aériennes des doigts se remerciant pour un cadeau offert ou service rendu ou encore de leurs corps s'endormant ensemble dans une position douloureuse au pied du lit d'enfants malades à surveiller. Rares furent les fois où ils s'essayèrent à davantage, et c'est la raison pour laquelle leur première née n'arriva qu'après dix ans de mariage. Et s'ils ne l'ont jamais dit, c'est aussi le deuil qui les freinait. Souvenir de ce bébé mort-né d'une folie de jeunesse aux responsabilités et vérités encore floues, peur que les Dieux maudissent leur progéniture comme ils avaient maudits cette première que leur vingtaine inexpérimentée avait condamnée par mauvais choix et secrets. Ils venaient aussi d'enterrer leur cadet adoptif mort d'un triste accident de jeux enfantins dans le kyn voisin et leur tristesse les avait rapproché un temps, tendresse requinquée par l'inquiétude pour la peine de l'autre et souhait de combattre le deuil par la célébration d'une naissance d'un être qui viendrait de leurs chairs.

sjau. La grossesse d'Ellísif avait été contraignante et ennuyante pour la jeune femme adepte d'activités extérieures, gestation l'astreignant au calme et même alitée à plusieurs reprises à cause de quelques complications. Alors, l'enfant enfin née, la jeune femme n'avait pas attendu plus d'une semaine pour sauter dans ses habits de voyage, calant le bébé dans les bras de cet époux dont elle avait besoin brièvement de fuir l'amour platonique et embrassant prestement leurs front sans véritables mots sages et doux, juste une défiance souriante qui promettait que ce n'était que pour quelques jours. Qu'elle avait simplement besoin de se dégourdir les pattes en naviguant vers le sud des terres pour découvrir les nouveaux marchands installés depuis le début de sa grossesse et revenir avant que son mari n'ait eu le temps de dilapider leurs finances dans des bijoux qui consoleraient l'absence de son épouse adorée. Dernière plaisanterie qui pesait déjà si fort dans le cœur des nouveaux parents et qui eu le mérite de tordre l'estomac de Jóðvar des années durant après que Rán ait décidé, au deuxième jour de cette expédition, de faire chavirer sous une brève tempête mordante le langskip d'Ellísif, corps empêtré dans les cordages, privé de toute bataille pour une bouffée d'air. Lorsqu’un ami apporta la nouvelle au lögsögumad, son fils aîné adoptif ne fut pas assez fort et robuste pour empêcher l'effondrement du corps de son paternel, chagrin violent qui surprit amis et proches. Par le trépas de sa femme, Jóðvar découvrait l'aimer, vénérer son rire, admirer l'honneur de sa bravoure et le courage d'une femme qui avait vécu dix années d'un mariage avec un homme qui ne partageait pas ses sentiments amoureux et ne lui avait jamais offert l'affection et l'attention qu'elle méritait. Dix années de deuil qu'il vécu sans ombre sur son visage mais langueur dans le cœur, séances privées de pleurs au fil des mémoires, sourires pour le souvenir de cette femme aimée à qui il décida de faire honneur en continuant de prendre soin des braises de l'âtre de leur demeure, elle qui avait éclaté de rire en voyant l'air déconfit de son mari le jour où elle avait plaisanté que jamais elle ne laisserait ce feu s'éteindre durant la prochaine décennie. Récemment, Rán qui avait emporté Ellísif une décennie plus tôt se manifesta à nouveau, ne réduisant en miettes qu'un seul toit de bâtisse sur tout Ofeigatt au cours d'une tempête sans désir de violence et bourrasques peinées. L'éclat du bois laissait un trou ouvert à la pluie juste au-dessus de l'âtre que Jóðvar avait nourri et ordonné à chaque esclave de protéger durant toutes ces années, et en plongeant sa main dans les braises froides et trempées, le lögsögumad comprit que les Dieux le libéraient de sa promesse de veuf.

átta. Jóðvar n'est certes pas détenteur de multiples dons cachés d'artisan ou de bricoleur lui permettant de faire tenir son foyer sans l'aide de personne, bien que grand curieux et heureux élève ne refusant jamais d'apprendre et se salir jusqu'au cou pour revenir fièrement chez lui avec une nouvelle compétence de père veuf dans sa caboche. Mais s'il y'a bien quelque chose qu'il sait faire ce sont les galettes aux myrtilles. Ou aux pommes, quand l'hiver frappe à la porte et fait fondre les stocks. Ses enfants en raffolent, ses voisins aussi et ses amis plaisantent même à dire que même ses ennemis en mangent en le maudissant d'être aussi bon cuisinier. Il lui arrive parfois de passer une journée entière à en cuire un maximum lorsqu'il reçoit des convives et on se souvient même d'un Thing qu'il a passé avec ses mains blanches de céréales pétries et d'un fumet de myrtilles sucrées et chaudes qui emplissait le lieu au point de déconcentrer plusieurs narines d'accusés et de jurés. (pour toute personne ayant lu ce passage inintéressant de cette fiche trop longue, vous repartez avec un code promotion pour des galettes gratuites au prochain rp commun en envoyant #MYRTILLESMINFÁGR par MP)

níu. Lorsqu'il est devenu homme et a vu sa gorge se durcir sous l'angle de la mue, Jóðvar s'est découvert une facilité pour chanter. Son timbre pourtant grave et sans grande particularité, bien que s'affirmant immédiatement posée et qui est véritable outil pour son verbe de diplomate et diseur de loi, se révèle inattendue et agréable dans les flexions du rire et des chants. L'activité restait privée, au bien publique lorsqu'il buvait un peu trop, et même si il n'était pas concurrence aux scaldes qui en font leurs professions, son entourage l'encourageait régulièrement à céder et leur accorder une chansonnette. Mais on ne l'a plus entendu chanter de la sorte depuis le dernier décès que connu ce père, il y'a sept ans, hurlement de rage au réveil ankylosé de ce petit matin qui n'avait pas pu arracher à la nuit froide la victoire sur la pneumonie de sa nièce, son autre fils adoptif aîné et sa jeune benjamine ayant quant à eux survécus et suffisamment peu fiévreux pour se souvenir de cette nette brisure dans la voix de leur paternel. Il fut aphone pendant quelques jours pour toutes ces raisons, lui-même malade de ce rhume persistant, mais une fois ses cordes vocales rétablies il ne se remit pas pour autant à chanter. Sa seule tentative se conclua par le décès soudain de son chat qui était auditeur le plus proche, affalé sur ses jambes, ronronnant chaudement aux premières mélodies et froid et raide lorsque se fondit la dernière note esquintée dans l'air (l'animal était très vieux mais ce fut interprété comme magie mauvaise). Il cessa ensuite tout nouvel essai, n'en voyant plus l'utilité. Encore moins lorsque peu de temps après il fut lui-même amené à présenter les lois qui permettraient la condamnation et l'application de l'exil de son fils aîné, décidé à être juste, neutre et enterrant donc ces veillées de chants partagés avec son enfant adoptif en même temps que faisant ses adieux silencieux à celui qui l'avait autrefois rendu si fier.

tíu. N'allez pas croire que pour tous ces malheurs familiaux Jóðvar est un homme dépressif et pessimiste ; c'est un père heureux d'avoir croisé la route de ses enfants, même ceux qu'il a du enterrés ou exilés. Parce qu'il a eu des années de vie avec eux, parce que les Dieux lui ont accordé des moments de joie, d'apprentissages partagées, de nouvelles sagesses parfois difficiles et d'une dévotion tout nouvelle et différente que celle pour sa foi ou son kyn. Ses enfants ont eu un sens, sa maladresse sera aux deux survivants un mécanisme de leur futurs reproches et leçons à encore recevoir, et pour toutes ces raisons et d'autres, le lögsögumad fut secoué d'incompréhension à l'idée que les Nornes se moquent encore de lui et jouent des vies et morts de sa progéniture le jour ou sa sœur et une amie commune lui avouèrent un demi-secret. Les morceaux d'une énigme inconnue et pourtant sous leurs nez se collaient soudainement, Ellísif détentrice d'un doute et vérité si déchirante, si impossible pour un parent. Voilà pourquoi elle parlait parfois de leur fille légitime avant même que celle-ci ne soit conçue, Jóðdvar misant sur la fatigue de sa femme ou son amour sincère pour leurs enfants adoptifs au point de les considérer comme de sa chair. Voilà pourquoi parfois son épouse partait dans cette forêt et revenait la voix fébrile de sanglots passés et les ongles sales de terre. Voilà pourquoi elle disait que Hel leur rendrait un jour le souvenir vivace de leur erreur, Jóðvar pensant alors qu'elle sous-entendait qu'ils mourraient de maladie ou vieillesse avec le fantôme de ce bébé qu'il n'avait jamais connu. Voilà pourquoi. Leur premier enfant, ce nourrisson mort-né, n'était peut-être pas aussi mort qu'ils le pensaient. Et il n'en fallu pas davantage pour que le paternel raté ne se décide à découvrir la vérité et faire justice, même prêt à se condamner si nécessaire pour cette enfant dont il ne connaissait rien.

ellifu. Pourquoi est-il venu un jour décidé à marquer son faciès de ces volutes d'encre ? Une explication différente à chaque jour, il s'en amuse. Une histoire dira que c'est un signe d'hommage à Forseti et Mímir, un murmure compatissant expliquera que c'est une douleur de deuil et d'autres naïfs le croiront sur parole quand il expliquera que c'est parce qu'il était trop paresseux pour se peindre le visage à chaque Thing et qu'ainsi il est tranquille pour le reste de sa vie. Il envisage de prochainement faire croire à une nouvelle version, que c'est sa sœur qui lui a fait une blague quand il était ivre, un soir dans sa jeunesse. Mensonges ? Non, la sagesse passe aussi par l’espièglerie innocente.

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