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Il se souvenait parfaitement de ce jour où son père l’avait fait chercher auprès de lui, alors qu’il était parti à la chasse à l’aube. L’une de ses jeunes sœurs était venue le trouver, ne parvenant pas à cacher son inquiétude. Un homme était venu, un homme qu’elle n’avait jamais vu, qui sentait la fumée.
Finn avait rangé son arc, agacé. Il était sur la piste d’une biche depuis plus d’une heure déjà, et sur le point de la trouver, il n’en doutait pas. Toutefois il savait aussi qu’il était un homme, même s’il n’avait que quatorze ans, et quelques poils au menton. Il devait se comporter en homme, et en bon fils.
Il tâcha de se convaincre que son père avait sûrement une bonne raison sur le chemin du retour, mais ce fut quand même tremblant de colère qu’il pénétra dans la chaumière située en lisière de forêt. Sa famille n’était pas riche. Non, ils étaient même assez pauvres en fait. Son père était un chasseur, sa mère, sage-femme. Son père ne gagnait pas d’argent, sa mère était payée en nature. Toutefois, la maison dégageait une impression de chaleur, et était propre, quoique, un peu racornie de l’extérieur.
« Ah Finn, te voilà. J’ai une bonne nouvelle à t’annoncer ! » lança son père, assis au coin du feu. Son père était un homme d’âge mûr, et pourtant, vieilli par un dur métier. « J’ai reçu la visite ce matin d’un vieil ami… Il a perdu son fils, et ses apprentis ne sont pas dignes de lui. Tu iras donc travailler pour lui dès demain. » Finn s’était assis après avoir regardé son père « Et en quoi est-ce une bonne nouvelle ? Je vais vous quitter? »
Il avait soupiré « Il est forgeron, à Skogkatt, et dès demain, tu deviendras son apprenti. C’est une bonne nouvelle, car fils, tu seras autre chose qu’un chasseur. Tu seras un forgeron. En te plaçant auprès de lui, j’assure ton avenir. » Forgeron ? Travailler dans les flammes et la fumée ? Et si ça ne lui plaisait pas ? Son père lut en lui, car il ajouta, que si cela ne lui plaisait pas, il pourrait toujours rentrer.
Finn était déterminé à ne pas y rester longtemps. Comment supporter une forge, alors qu’il passait ses journées dehors, à chasser ?
Pourtant, le lendemain, dès l’aube, Finn avait rassemblé ses affaires, et était en route pour Skogkatt.

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La fille de son maître s’appelait Idunn. Pour Finn, elle avait toujours été là, à proximité de son père, venant lui apporter ses repas. Une fille discrète, aux boucles noires, un peu replète. Finn l’ignorait et elle ignorait Finn. Non pas qu’ils ne s’aimaient pas, ils ne s’approchaient pas, ne prirent jamais la peine de faire connaissance.
Les années s’écoulèrent. Lorsqu’il eut dix neuf ans, Finn devint enfin un forgeron à part entière, soulageant son ancien maître des charges de travail. Un maître qui l’avait pris sous son aile, lui avait tout appris à la mort de son fils, et parce que ses apprentis n’avaient pas été jusqu’au bout de leur formation. Alors un jour, son maître lui dit qu’ils allaient être plus de maître et ancien apprenti, et que bientôt, il serait son fils. Il lui avait appris son métier, à son tour, désormais, de continuer sa lignée, son métier, en épousant sa fille.
Finn découvrit à ce moment-là, que son destin avait en fait été tracé des années auparavant. Son père l’avait vendu. Oh certes, son métier était difficile, mais il ne pouvait s’en plaindre. Il n’était pas riche, mais il ne manquait de rien, sa situation était plus enviable que celle de son père, ou celle de son frère aîné, chasseur lui aussi.
Alors il accepta. Les fiançailles furent célébrées. Idunn avait l’air… résignée. A partir de ce moment-là, ils commencèrent un peu à se rapprocher. C’était à lui désormais qu’elle apportait les repas. Ils devinrent amis. Et les mois passèrent. Le mariage approchait à grand pas. Finn fêta ses vingts, et se maria quelques jours plus tard. Il lut la fierté dans les yeux de son père. La jalousie dans ceux de son frère.
Idunn avait changé, maigri. Ses joues d’habitude rondes s’étaient creusées, sa peau pâle, avait une teinte grisâtre. Lorsque Finn s’en inquiéta auprès de son beau-père, il lui donna une claque dans le dos en lui rétorquant que c’était l’anxiété d’une jeune mariée.
Trois jours après le mariage, Idunn mourrait.
Finn n’avait pas été attristé de la disparition de son épouse. Choqué plutôt. Choqué qu’elle parte alors qu’elle n’avait pas vingt ans. Choqué de la perdre sans l’avoir jamais vraiment connue. Sa mort fut imputée à une fièvre et on n’en parla plus.
Son beau-père mourut quelques années plus tard, et à sa mort, Finn rejoint Forgeciel. Il avait quelques années d’expériences, et peu à peu, il gagna des jalons. Il y avait beaucoup de forgerons, mais certains étaient plus habiles que d’autres. Finn lui, savait contenter tout le monde, des plus riches aux plus pauvres. Il pouvait forger des épées richement ornées comme une vulgaire hache. Peu lui importait, tant qu’il satisfaisait son client.
De son propre avis, il mène une vie parfaitement banale et rangée, sans que rien ni personne ne vienne la troubler.