e doit être surprenant pour vous de recevoir une missive de la femme du Jarl de Skogkatt, avec qui vous entretenez des relations tendues. C’est un intérêt commun, malgré tout, qui me pousse aujourd’hui à vous écrire.

J’ai cru comprendre que vous cherchiez à persuader depuis de longs mois déjà, mon époux, en ce qui concerne l’entraînement de femmes au sein de la Svart Brotherhood. Je n’ai nul doute que vous sachiez déjà que cette école est très chère à mon mari, et que Folker, pour toutes ses qualités, n’a jamais été ouvert à l’idée d’une femme prenant les armes. C’est donc sur mon fils que vous avez semblé jeter votre dévolu, et je me dois de vous prévenir ; jamais je ne soutiendrai une trahison de mes enfants envers leur père. Ce type de rébellion ne ferait que fragiliser la position de Skogkatt, et serait-ce votre intention, je n’aurai aucun mal à informer le Jarl Ødegard de votre traîtrise. Je sais qu’il se ferait un plaisir de vous prouver en quoi la Svart n’a pas besoin de femmes pour fonctionner.

Il me faut cependant être honnête avec vous ; votre démarche, si maladroite, me semble être motivée par une bonne idée. Je suis d’avis que les femmes tout autant que les hommes ont leur place au sein de la Svart Brotherhood, et je suis prête à moi-même en persuader mon mari. Je vous demande simplement de laisser mon fils Ívar en dehors de cette histoire. Sa relation avec son père ne survivrait pas une telle affaire ; j’en appelle à votre compassion de mère.

J’ai le plus grand respect pour vous, et ce que vous avez accompli avec ma ville natale d’Isenseg, depuis votre nomination en tant que Jarl. Je n’ai aucun doute que nous réussirons à nous entendre pour satisfaire cet objectif commun.

Avec toute mon admiration,

Arnhild Ødegard.

© sobade.

Húsfreyja Ødegard,

e ne peux vous cacher que la réception d'une missive de votre part m'a quelque peu surprise. Bien que je ne puisse contredire l'idée que votre mari et moi soyons dans une relation fébrile en ce moment, je ne me permettre de ne pas vous rendre la pareil en ne vous écrivant pas par la suite.

Je ne peux réfuter, madame, les informations que vous possédez à mon sujet et je suis heureuse de voir que, malgré les années, vous semblez être toujours aussi proche de votre fils qu'au premier jour de sa vie; vous êtes une exemple maternel pour moi dont le trésor est encore bien jeune et fragile. Mais je me dois de me défendre à l’encontre de certaines accusations qui n'ont pas lieu d'être à mon égard ! Je peux tout entendre venant de l'amour d'une mère, mais je ne peux cautionner que l'on tente de me blâmer pour des charges qui n'en sont pas !
Je n'ai jamais, madame, jeté mon dévolu sur votre fils par défaut du mutisme de votre mari, le Jarl Folker; bien au contraire. Votre fils est un homme rusé et clairvoyant, qui soutient de toute son âme la vision novatrice que nous partageons de la Svart; et il n’est en rien question d'une révolte futile ou infantile d'une jeune homme tentant de se dresser contre son père. Jamais. Je ne suis qu'une humble personne partageant avec votre fils l'envie d'une évolution permettant aux femmes d'avoir accès à la même formation que les hommes vaillants, près à sacrifier leur vie aux noms des Dieux.

Je n'ai nul intérêt, madame, à vouloir ainsi me mettre à dos votre position, car il m'en serait à l'inverse, bien difficile d'avancer vers la finalité de ce projet. Mais je ne peux vous promettre que votre aimable Ívar accepterait d'être ainsi mit de côté par simple recommandation maternel; il est à présent un homme pleinement conscient de ses choix et je ne me permettrais guère de lui refuser ses idéaux pour accéder à votre demande. Je comprends parfaitement votre inquiétude, étant mère tout autant que vous l'êtes; mais je ne peux me consentir à perdre un appui aussi précieux qu'est celui que m'apporte votre enfant, j'accepte cependant de ne pas l’ensevelir plus encore dans les méandres de ce projet qui peut s'étaler sur le long terme.

Veuillez croire, madame, que je vous porte une affection toute particulière et que je ne souhaiterais jamais que notre relation naissante ne soit ternie si hâtivement; et je vous remercie pour tous les compliments que vous avez adressé à mon égard suite à mon élection au poste de Jarl, sachez que j'en suis très touchée et fière.

Je reste à votre entière écoute, Madame.  

Silke Thorsen.

© sobade.

ardonnez mes conclusions hâtives, madame, vous observerez bien vite la tendance des mères à préférer blâmer les inconnus plutôt que leurs enfants. Comme vous l’avez parfaitement remarqué, mon fils est un homme talentueux fort de ses idées, et je ne suis on ne peut plus fière qu’il ait décidé d’aider votre cause. Malgré tout, je crains que son implication ne fasse que braquer mon mari. Vous l’ignorez sûrement, mais ce dernier n’a jamais porté grande attention à Ivar ; il verrait ainsi cette prise de position comme une insulte à son nom. Ce n’est pas votre intérêt que de refuser l’appui de mon fils, j’en suis consciente, mais sachez que je ferai tout pour qu’il soit au moins à l’abri de la fureur de son père.

Je n’ai pas ces prétentions. Je doute encore aujourd’hui de la faculté de mon mari à accepter un tel projet, comme vous en êtes parfaitement avertie. Folker n’est guère connu pour sa grande capacité d’écoute, et la Svart est tout autant son enfant que ceux que je lui ai portés. Mais je suis optimiste. La Svart est reconnue pour le talent de ses guerriers, et il faudrait, en théorie, réussir à prouver à mon époux qu’une femme est aussi, si ce n’est plus capable qu’un frère de la Svart. Folker est bien des choses, mais il n’est pas idiot, il saura reconnaître le grand intérêt d’ouvrir son école à toute personne méritante, si cela peut lui être bénéfique. Je sais qu’Isenseg est reconnue pour sa garde féminine, et je n’ai nul doute que vous ayez des guerrières capable de battre un homme sans effort.

J’aimerai en être persuadée, avant de pouvoir convaincre mon mari d’organiser une rencontre. Considéreriez-vous m’accueillir au sein de votre cité, afin que je puisse voir de mes propres yeux si un tel exploit est possible ? J’ai un frère, à Isenseg, aussi la véritable raison de ma visite ne sera pas claire à mon époux. Ivar aura peut-être la possibilité de m’accompagner, et nous pourrons avec son expertise entraîner quelques-unes de vos recrues.

Avec toute mon affection,

Arnhild Ødegard.

© sobade.