blood must have blood
arne & keetja
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Les yeux rivés vers le corps qu’on mettait en terre, Keetja ne cilla pas, ni ne pleura. Elle n’était pas certaine de ce qu’elle ressentait ; un mélange de vide, de déception, d’incertitude aussi. Rien qui lui donne envie de pleurer, en tout cas. La légende Herkja Høgan s’éteignait ainsi, splendide et brisée. Un suicide disait-on. Mais pourquoi sa sœur aînée aurait-elle voulu se suicider ? C’était une belle femme, dotée d’un cœur plus beau encore. Tout souriait toujours à Herkja Høgan. Tout, ou presque. Son regard émeraude se posa sur l’homme qu’elle avait épousé, Arne Haraldson, aux côtés de qui se tenait leur fils, son neveu. Arne Haraldson non plus n’avait pas l’air bien meurtri par la perte, pas plus que Keetja ne l’était. Elle se détourna de lui pour caresser de la main le dos de sa mère qui sanglotait à ses côtés. Son amour, quant à lui, serra ses doigts avec affection et cela suffit à Keetja pour affronter la fin de l’inhumation qui s’opéra sous une pluie glaçante et un ciel de ténèbres. […]

Sa jalousie dévorante à l’égard de sa sœur avait fini par être enterrée avec elle. C’était elle la plus âgée des filles Høgan désormais. La plus âgée tout court, si l’on considérait qu’Isleif était mal accepté de leurs pairs pour son léger retard mental et relégué au rang d’enfant – qu’importe que Keetja le voie comme un être profondément courageux et fort. Non, la jalousie avait laissé place à une profonde incompréhension et une colère sourde. Elle quitta la petite maison familiale plus tard dans la nuit, alors que la pluie avait cessé de tomber. Skogkatt était calme, à l’exception de quelques oiseaux de nuit parmi lesquels Arne Haraldson qui erraient encore dehors, à la lueur des bougies, à boire et raconter leurs aventures dans la nuit silencieuse. Keetja s’approcha des hommes d’un pas décidé, malgré la colère et l’appréhension qui faisaient trembler ses jambes. Elle n’avait jamais beaucoup aimé son beau-frère, mais aujourd’hui elle le détestait plus encore. Et la jeune femme attendait surtout des réponses de lui. « Je peux vous emprunter Haraldson un instant ? » gronda-t-elle en croisant les bras sur sa robe carmin, agacée qu’on ne lui prête pas attention malgré son arrivée peu discrète. Elle planta son regard dans celui du concerné, lui signifiant ainsi qu’elle ne lui laissait aucun choix.   « La perte de ma sœur a dû être extrêmement douloureuse, je pense que nous avons beaucoup de choses à nous dire. » insista-t-elle, et les autres encouragèrent Arne à suivre Keetja, comme elle l’avait espéré. S’il y avait bien une chose pour laquelle les sœurs Høgan ne se ressemblaient pas, c’était le caractère. Il brûlait en Keetja un tempérament de feu ; ce qui ne l’empêchait pas d’avoir peur pour autant. Mais elle savait se faire entendre et ne se laissait jamais marcher dessus, là où son aînée favorisait autrefois la discussion, voire la fuite quand les choses devenaient trop tendues pour elle. Fuir le conflit n’avait jamais été au goût de Keetja qui le créait constamment, avec n’importe qui. Cela finirait bien par lui retomber dessus, mais en attendant elle faisait office de fils de la famille puisque personne d’autre qu’elle ne pouvait endosser ce rôle.

Elle attendit qu’Arne consente à la suivre et s’éloigna du petit groupe pour s’engager dans un coin du village endormi. Tout était sombre et silencieux. Seule la lumière vacillante de la lune éclairait leurs visages fatigués et tendus, de sorte à ne distinguer qu’une infime partie des milliers de sentiments qui pouvaient traverser leurs prunelles claires. « Ton apparent désespoir me fend le cœur. » railla-t-elle en s’arrêtant soudain pour se tourner vers lui. Keetja appuya une épaule contre l’arbre le plus proche pour ne pas flancher. « Comment va votre fils ? Aucun enfant au monde ne devrait perdre un parent aussi jeune. » continua-t-elle avec la même arrogance et la même froideur. En réalité, Keetja était triste pour lui et soutiendrait son neveu s’il en ressentait le besoin. Mais Arne … Oh lui, il avait des choses à se reprocher. La brune en était convaincue. Il n’avait pas l’air méchante, pourtant, autrefois. « Ma sœur était une femme heureuse et saine d’esprit. Je ne puis croire qu’elle se soit suicidée. Elle n’aurait pas abandonné son fils qu’elle aimait par-dessus tout ppur mourir dans le déshonneur. Ne penses-tu pas qu’on aurait pu la jeter délibérément de cette falaise ? Que quelqu’un aurait pu l’assassiner ? » Elle insista sur ce dernier mot particulièrement, sans détacher son regard de celui une seule seconde. Elle voulait être témoin de la moindre de ses réactions, démêler le vrai du faux.