QUELLE EST TA POSITION PAR RAPPORT À TON JARL ET TON ROI ? ≈ On n'a rien appris de toutes ces choses à Isleif, et on ne l'entretient jamais de politique. Il serait encombrant, et incapable d'avoir son propre avis. D'ailleurs, on ne l'associe à rien qui soit trop officiel et qui demande qu'il se conduise comme il faut. Il se figure pourtant assez bien les Ødegard, et quelle déférence ils sont en droit d'attendre mais il rend, en fait, pareillement hommage à tous les êtres mieux pourvus.

EN QUOI FAIS-TU HONNEUR AUX DIEUX EN ÉTANT VIKING ? AS-TU EU À FAIRE DES SACRIFICES EN LEUR NOM ? ≈ Il redoute ardemment les dieux, et leur pouvoir, pour toutes les fois où lui a été seriné qu'il a du grandement les offenser pour être affligé d'un tel mal. Si c'est vrai, Isleif considère qu'ils lui font un sort injuste, en le jetant ainsi dans le monde plutôt que de le faire mourir, mais c'est aussi qu'il ne perçoit pas bien leur existence et leur force, et ce qu'il peut faire pour aller ou non contre leur volonté. Quand il observe les autres, il voit la diligence et la piété et il lui semble plus prudent de les imiter que de tenter de se faire une opinion sur une chose, terrible, qu'il ne voit pas.

QUEL DESTIN PENSES-TU QUE LES DIEUX ONT CHOISI POUR TOI ? QUELLE EST TA PLUS GRANDE CRAINTE QUANT À TON AVENIR ? ≈ L'après sera sans doute identique à l'avant, et il n'y a pas grand-chose pour lui. Ni gloire ni rien. Isleif sait bien qu'il n'est pas adapté au monde qui l'entoure, et l'assaille, et l'étrangle, et il sait encore que rien ne lui sera épargné. En un sens, il est résigné. C'est la signification même de destin et il ne voit pas comment ni pourquoi se défaire de la trace sur laquelle on l'a mise. Si les dieux voulaient qu'il fasse mieux, ou autre chose, ils l'auraient doté de quoi faire. Or, il est impuissant. Déjà mort.

I. Il est idiot, Isleif. Tout le monde le raconte au village et on le lui dit depuis môme sans trembler. On ne sait pas bien ce qu’il se passe dans ce crâne, et on n’a pas de mot pour ce qu’il a, mais il n’est pas tout à fait ordinaire et pas très bien fichu là-haut. Il faut lui répéter les choses, à cogner sur sa tête pour que ça rentre. Débile, on lui crache à la figure. Dégénéré, aussi. Pris pour fou ou pour stupide, on se figure que c’est la rançon des dieux pour une chose qu’il a faite, étant enfant. II. Il est invisible, et négligeable et négligé. On ne fait pas attention à lui - il comprend rien, Isleif. Et on lui a appris, en plus, qu'il est de bon ton qu'il se fasse oublier - tu déranges, Isleif. Alors il regarde vers le sol et il oublie, lui aussi, qu'il existe. Son père s'est dès lors échiné à lui apprendre la chasse, et il se trouve qu'il est bon pisteur mais incapable de tuer. Isleif, il comprend les silences, il les connait et les respecte, et puis il sait surtout écouter. Mais toute bestiole qu'il sait traquer, il est infoutu de lui briser le râble ou d'y planter un trait. III. Le travail à la ferme l'a solidement bâti ; pas plus qu'une bête de somme, Isleif ne compte ses efforts. Si on ne le lui ordonne pas, il peut oeuvrer jusqu'à l'épuisement, au-delà de ses forces. C'est qu'il ne dort peu, pour toujours pouvoir obéir, et qu'il mange sans excès, pour ne pas priver un être complet, plus profitable que lui. Sa résilience en est accrue mais il pourrait, malgré tout, rompre, se laisser mourir de fatigue, de faim... IV. Il s'exprime correctement. Il n'aime pas le faire. Les mots sont dangereux, lui semble-t-il, et on le reprend - constamment, comme si on préférait qu'il ne dise rien. Il a appris à garder pour lui ce qu'il n'est pas capable de formuler avec justesse et il n'y a presque qu'à sa soeur cadette, Keetja, qu'il murmure sans crainte. V. Sa mère l’avait prévenu, elle lui disait sans cesse de ne pas tarder dans les bois qui longent la ferme. Isleif répétait toujours qu’il les entendait, et qu’il voulait les voir, voir de quoi ils ont l’air. On n’a jamais su de qui il parlait, et il n’a plus tellement parlé après qu’il a disparu trois jours durant entre les troncs et dans les herbes. On a cherché, en vain, le garçon. Et il est revenu, un matin. Pâle. Affamé. Mutique. VI. Isleif avait un chien, Gramr, pour défendre les quelques volailles du lopin familial, une bête mise en pièces par des loups ou peut-être des hommes. Il avait déjà seize ans et l'a pleuré tel un frère, la rare créature que les dieux avaient fait, croyait-il, pour le comprendre. Álfgeir Høgan a eu moins de coeur lorsqu'il a jeté la dépouille au feu. VII. Tous les hommes effraient Isleif, secouent l'enfant. Il ne soutient jamais leurs regards et se réfugient près des femmes. Toute sa vie, on l'a rossé, bousculé et moqué alors que la sale rengaine dit qu'on devrait le livrer aux draugr, qu'il y serait parmi les siens. Et il a la tête fichée dans les épaules, le bougre, pas le courage de ruer, d'aboyer ni de mordre. Il endure, pas plus rancunier qu'un clébard qu'on bat aux sangs. VIII. À Skogkatt, il est le conte qu'on raconte aux enfants, l'exemple qu'on agite sous les nez des minots des fois qu'ils voudraient aller dans les bois : tu veux finir comme le boiteux-du-crâne Høgan ? Et puis on raffole de l'expression pas bien gentille mais pas bien grave d'être stupide comme Isleif, de faire l'Isleif. IX. Il n'a pas connu de fille et, la seule fois où il s'en est trouvé une pour être assez gentille et s'attarder sur lui, ils ont été pris sur le fait, cul par-dessus tête, à l'effaroucher, la gamine, qui l'a aussitôt accusé de l'avoir attaquée. L'épisode a fait grand tort à la famille Høgan et lui a fait passer l'envie de découvrir les femelles. X. Il n'aime pas bien la mer. Parce que c'est par là-bas que vont les hommes et femmes qui ne reviennent jamais, et parce qu'on lui a toujours dit qu'il n'irait pas. C'est qu'il y a un grand danger, pense-t-il. Et il sait ce que sa dernière curiosité lui a coûté. Alors Isleif s'assoit simplement sur la berge ou la roche, et il observe l'immense ennemi XI. La disparition de sa soeur Herkja a détruit son fragile équilibre. Il n'a pas compris tout de suite, parce qu'elle lui était devenue étrangère, et c'est la morgue de Keetja et la maladie de leur mère qui lui ont fichu le deuil. Il n'en pense toujours rien, n'a pas le scepticisme de sa cadette, mais Isleif trouve désormais son aînée partout. Elle est à le poursuivre, il croit, et il ne l'a jamais tant vue que dans ses rêves depuis. Il n'est pas familier avec l'entendement, il ne réalise pas qu'il est à deux doigts de comprendre une chose, une chose que ses yeux voient mais que son esprit abîmé ne conçoit pas. XII. Isleif veille sur sa mère avec assiduité, habitué à loger contre son sein. On sent dans ses aguets qu'il a peur, peur d'habiter un monde sans elle. Isleif n'est pas prêt. Or, assez paradoxalement, il ne s'est jamais tant conduit en homme, en adulte, que depuis qu'elle est tombée malade et requiert toute son attention et tous ses soins. XIII. Sa soeur Keetja a sa confiance et son obéissance servile, pour l'avoir toujours défendu. Il lui doit d'être en vie, c'est l'une des rares choses qu'Isleif sait, et il est sûr de ne connaître personne qui ait plus de courage que sa cadette. Il n'y a rien qu'il ne ferait pour elle, y compris se jeter dans la mer, offenser plus avant les dieux ou tuer. XIV. Il ne connait rien qui soit en dehors de Skogkatt et de ses proches alentours. La géographie (presque autant que le temps) est totalement abstraite pour lui. Ça peut être le domaine des dieux, ou le vide. XV. Isleif s'est attaché l'affection d'une veuve à la sinistre réputation. Si l'on trouve l'amitié des deux parias curieuse, au moins n'ennuient-ils personne d'autre pendant qu'ils sont ensemble. Si son père n'est pas de cet avis, elle leur fournit des denrées qu'ils ne peuvent pas se permettre de refuser, pour lesquels, après tout, il peut bien lui livrer son abruti de fils - quel que soit l'usage qu'elle en ait.

nombre de points à répartir : 21 points.

force : ☑☑☑☐☐☐
vitesse : ☑☑☐☐☐☐
agilité : ☑☑☑☐☐☐
résistance : ☑☑☑☑☐☐
discrétion : ☑☑☑☑☑☐
stratégie : ☐☐☐☐☐☐
combat corps à corps : ☐☐☐☐☐☐
combat armé : ☐☐☐☐☐☐
chasse : ☑☑☑☑☐☐