Une lignée sauvage ≈

« Écraser ses ennemis, les voir mourir devant soi et entendre les lamentations de leurs femmes. Voici le plus grand plaisir qu’un homme puisse connaître. »

Les ancêtres de Borr comptent parmi les clans barbares qui se livraient aux massacres et aux saccages durant l’ère oubliée. Originaires des rudes contrées septentrionales de Meheim, ces clans aux mœurs tribales vénéraient encore les dieux primitifs et récoltaient par l’acier ce que leur peuple archaïque n’avait jamais appris à semer. La force était leur unique loi, ils laissaient mourir les faibles envers lesquels ils vouaient un profond mépris.
Leurs rares descendants évoquent encore les exploits brutaux de cette période rude et sauvage, au contraire des populations civilisées de Meheim qui préfèrent laisser les récits sanglants du passé sombrer dans la tourbe et disparaître à jamais.
Seul survivant connu de sa lignée, Egil, le grand-père de Borr, rejoint comme tant d’autres réfugiés la cité d’Ofeigatt au début de la nouvelle ère. À travers l’obscurité éternelle, les dieux d’Asgard ont manifesté leur pouvoir incontestable et montré aux peuples vikings la voie à suivre. Egil abandonne les anciennes croyances de son clan comme une vieille peau d’ours élimée et met ses talents d’éclaireur au service du nouveau jarl.

En l’an 36, Egil et ses jeunes fils se déchirent autour du jarl Ulgarm. Leifr, l’aîné, prend parti pour le tyran, tandis le cadet Einarr soutient le peuple libre et rallie l’opposition. Prisonnier de son serment d’allégeance, le père continue de servir le jarl dément bien qu’il désapprouve ouvertement ses actions qui mènent Ofeigatt à la ruine. Ulgarm le condamne à mort pour son insubordination, ordonnant à Leifr d’accomplir le parricide. Après la chute du jarl cupide en 37, le courageux Einarr provoque Leifr en duel afin de venger la mort de leur père et remporte le combat in extremis.
Einarr est reconnu pour son intégrité, son engagement envers les dieux et Ofeigatt. Il perfectionne sa maîtrise du combat au sein de la Svart, participe à de fréquentes missions de reconnaissance et de nombreux raids.

Au crépuscule de sa vie, lors d’un raid en compagnie de son fils Borr, Einarr reçoit un carreau d’arbalète en plein cœur, tiré de leurs propres rangs. Volonté des dieux, confusion ou assassinat, Borr compte bien découvrir un jour la vérité et châtier les éventuels coupables. Quelque temps sa mort, Einarr avait confié à Borr ses soupçons sur Markvart Lund, homme riche à la réputation trouble qui devient peu après le nouveau godi de Solstheim. Markvart nomme ensuite son frère Vikart au poste clé de commandant en chef de la Svart, renforçant l’emprise familiale sur le kyn.
À tort ou à raison, Borr soupçonne les frères Lund du meurtre de son père et d’autres malversations. Il ne détient encore aucune preuve et n’agira pas sans en posséder, mais nourrit un sentiment d’hostilité à leur égard.


La malédiction de l’ours ≈

« Ces guerriers allaient sans broigne, enragés comme des chiens ou des loups, mordant leurs boucliers, forts comme des ours ou des taureaux. Ils tuaient les gens mais eux, ni fer ni feu ne les navrait. C'est ce que l'on appelle la fureur des berserkir. »

Au cours de la petite enfance, Borr est un garçon intrépide et aventureux qui adore jouer et s’aventurer dans la forêt. Il rencontre aux abords de Skogen une fillette énergique aux inclinations semblables, avec laquelle il se lie rapidement d’amitié. Eydís et lui deviennent au fil des ans très complices, inséparables. Tous deux subversifs, passionnés par la nature sauvage et mystérieuse de Meheim, ils s’entendent à merveille et passent ensemble tout leur temps libre. À l’adolescence, l’inévitable se produit et chacun découvre l’amour charnel dans les bras de l’autre.

Au cours d’une excursion où leur passion naissante les conduit à manquer de prudence, le duo se retrouve nez à nez avec un jeune ours au comportement agressif. Borr se sacrifie en attirant l’attention de l’animal, ordonnant à Eydís de s’enfuir. Contrairement aux légendes et aux sagas, aucun exploit ne vient couronner le geste héroïque : l’affrontement est bref, sanglant. On retrouve Borr au seuil de la mort, le corps brisé, meurtri, déchiré.

Passant un accord avec la volvä, Einarr réussit à la convaincre d’accomplir un rituel de guérison capable de sauver la vie de son fils agonisant. Toutefois, la volvä affirme que cette attaque était la volonté des dieux, que Borr devra également se soumettre au rituel du berserkr sous peine d’attirer leur colère. Einarr accepte sans hésitation : la malédiction est lourde à porter, mais le père y voit l’héritage de leurs ancêtres barbares et le moyen d’honorer les dieux friands d’exploits guerriers.
À peine Borr rétabli, celui-ci part seul à la recherche du jeune animal responsable afin de le ramener à Ofeigatt. Confiant en son destin, l’absence de peur et le riche enseignement de son père lui permettent d’accomplir cette modeste prouesse. Le rituel établit un lien mystique et définitif avec l’esprit de l’Ours. Dès lors le destin de Borr est scellé : il devient un berserkr, un guerrier-ours portant la rune Uruz sur le pectoral droit. Une bénédiction qui lui octroie des capacités extraordinaires en combat, mais dont le prix à payer ne cessera de s’alourdir.

Première conséquence de cette rencontre singulière entre l’homme et l’ours, Borr souffrira toute sa vie de migraines incurables.
En plus de lui léguer maintes balafres et cicatrices, l’animal lui a également arraché la moitié de l’oreille gauche d’un simple coup de griffes.
Un maigre tribut, en regard des événements qui suivent…


Sème un cadavre, récolte un tourbillon de morts ≈

« Le plus grand ennemi se trouve dans le cœur, car on ne peut le percer d’une lame sans rendre l’âme. »

Borr avait une sœur aînée, Hildr.
C’est par l’intermédiaire du couple d’adolescents que Hildr rencontre Sven, le frère chasseur de la belle Eydís. Imitant leurs cadets, Hildr et Sven tombent amoureux et se marient après un an de fiançailles. Le ventre de Hildr s’arrondit déjà et les adolescents s’imaginent déjà lier leurs destins de façon identique.

Au cours d’une partie de chasse réunissant Sven, Eydís et Borr, l’aîné confie aux jeunes amoureux son intention de divorcer. Il s’est marié trop vite, réalise qu’il en aime une autre depuis longtemps. Sven regrette de s’être laissé emporter par une passion fugace et la pression familiale en faveur de cette union. Il demande à sa sœur et son jeune ami d’apporter la nouvelle à Hildr, de l’aider à faciliter leur séparation, et même de trouver un nouveau mari à la femme enceinte.
Borr entre dans une colère noire. Il sait que sa grande sœur est une femme aimante et une épouse fidèle, qui souffrirait énormément de cette séparation.
Lorsqu’il reprend conscience, Sven git à ses côtés, le corps mutilé comme s’il avait reçu une avalanche de pierres. Lui-même est couvert de sang – dont la majeure partie ne provient pas de ses écorchures – et il comprend aussitôt que le berserkr en lui a commis l’irréparable. Tournant la tête avec difficulté, il aperçoit Eydís avec un bras pantelant, une pointe de flèche sanguinolente dans l’autre. Ahanant comme si elle venait d’échapper à la mort, Eydís hésite à achever le meurtrier de son frère avec la pointe enduite d’un poison paralysant – sans lequel elle aurait subi la même fin tragique.
En quelques échanges glacials, les adolescents s’accordent à justifier la mort de Sven par un accident de chasse. Ils jettent la dépouille de Sven du haut d’une falaise abrupte, nettoient leurs plaies à la rivière et rentrent à Ofeigatt sans échanger un mot.

Quelques semaines plus tard, Hildr succombe d’un mal foudroyant. Eydís, alors apprentie herboriste, lui fournissait un remède à base de plantes pour soulager des troubles de grossesse.
Borr comprend que son ancien amour vient d’assouvir sa soif de vengeance. Elle a froidement assassiné sa sœur et l’enfant à naître, là où le berserkr avait causé la mort du frère d’Eydís dans une crise de furie meurtrière.
Hache en main, Borr se rend chez l’herboriste avec le sombre dessein de la tuer. Eydís le regarde avec défi malgré le tranchant affûté qu’il presse sur sa gorge. Après un échange muet de regards intenses où se mêlent amour, haine, souvenirs heureux, images déchirantes, résolution, abandon, Borr retire son arme et part sans se retourner.
Une trêve tacite s’installe entre les deux meurtriers.

Plusieurs années s’écoulent. L’homme avec lequel Eydís entretient une liaison amoureuse est poignardé à mort par un manant lors d’un raid. Du moins est-ce la version de Borr, celui qui découvre le corps encore chaud du combattant. Peu après le retour de l’expédition viking, l’esclave de Borr, dont on dit qu’elle réchauffait la couche de son maître, est retrouvée morte dans une venelle boueuse de Skogen, sans blessure apparente.
Jalousie ? Volonté cruelle de se nuire ? Sans doute les deux à la fois ; chacun interdit l’autre de trouver le bonheur dans d’autres bras que les siens.

Tels deux amants maudits, Borr et Eydís sont trop attachés l’un à l’autre pour s’entretuer, mais aussi trop vindicatifs pour faire table rase du passé et mettre un terme à cette querelle mortifère. Leur relation demeure chaotique et ambivalente : elle est sa némésis, sa plus fidèle amie et sa pire ennemie, son salut autant que sa perte.


Le chemin du Valhalla ≈

« Meurent les biens,
Meurent les parents,
Et toi, tu mourras de même ;
Mais la réputation
Ne meurt jamais,
Celle que bonne l'on s'est acquise. »

Au cours de sa jeunesse fougueuse, Borr Egilsson s’érige en guerrier intrépide et efficace, en bûcheron qui élague les corps et fend les crânes. On respecte autant qu’on redoute sa nature de berserkr : telle la foudre de Thor, le phénomène est puissant mais imprévisible. Les crises sont d’ailleurs rares ; l’éclaireur est un guerrier aussi humain que les autres la majeure partie du temps. Formé au maniement des armes par son père, il suit en sus un entraînement parmi la Svart afin de maîtriser les tactiques de groupe.

Le sort de Borr bascule au cours de l’hiver qui suit la mort d’Einarr. Le berserkr perd le contrôle au cours d’une bagarre de taverne, massacre trois hommes et en blesse six autres avant d’être maîtrisé.
Son jugement animé révèle la diversité des opinions à son sujet : bénédiction et volonté des dieux pour les uns, malédiction qui menace Ofeigatt pour les autres. Borr est condamné au fjörbaugsgardr, un bannissement de trois ans durant lequel il survit dans la nature sauvage de Meheim… grâce à l’aide discrète d’Eydís.

À son retour, Borr est un homme plus calme, plus mature, plus maître de lui-même. Il évite les disputes et porte un regard désinvolte sur la vie, restant fixé sur son objectif d’entrer au Valhalla, d’honorer les dieux et son père en protégeant Meheim d’un nouvel âge sombre. L’ancien banni choisit de vivre à l’écart de la ville, reprend ses fonctions de pisteur et d’éclaireur. La population d’Ofeigatt demeure réservée à son sujet, on sollicite rarement ses services et il exerce pléthore de métiers manuels pour combler une maigre activité (bûcheron, déchargeur, porteur, charpentier…).

Quelques années plus tard, à la fin d’un raid, Borr couvre la retraite des pillards vikings en tenant l’étroit pont de Laudar avec Eydís et un autre archer. Selon la première, une quinzaine de poursuivants sont abattus avant que la petite troupe regagne le dernier landskip, la plupart criblés de flèches. Le deuxième archer attribue la plupart des victimes à Borr, berserkr terrifiant, et porte l’effectif à trente – bientôt quarante, voire cinquante pour les plus enthousiastes, quand la rumeur enfle de lèvres babillardes en bouches avinées.
Couvert de sang et lacéré de toutes parts, Borr mettra pourtant des semaines à se rétablir, preuve que sa hache avait rencontré une résistance farouche. Fidèle à ses pieuses habitudes, le berserkr garde le triomphe modeste et proclame « les dieux connaissent la vérité et seul leur jugement m’intéresse ». Borr ne conserve d’ailleurs aucun souvenir de ses crises. Après chaque épisode de transe, il se réveille et constate le sanglant résultat comme au sortir d’une nuit sans rêve.
Un skalde d’Ofeigatt à la voix (trop) haut perchée aurait saisi l’occasion pour écrire une chanson sur « le Berserkr de Laudar », mais sans connaître le succès escompté.
Conséquence positive de ce haut fait : Borr retombe dans les bonnes grâces d’Ofeigatt et on requiert à nouveau guidance et protection de sa part.

Réussites et déconvenues se succèdent. Les moments de gloire sont éphémères, les malheurs prêts à jaillir de l’ombre à tout instant.